Vous avez dit “transhumanisme” ?
Vous avez dit “transhumanisme” ?

Vous avez dit “transhumanisme” ?

Je me doute qu’un nouveau post sur le transhumanisme va commencer à faire un peu beaucoup… Après tout, entre la sortie du pavé aux éditions Excelsis et de l’interview avec Matt Moury, vous l’aurez compris : j’ai bossé sur le transhumanisme.

Mais… il se trouve qu’il a été une nouvelle fois question de ce mouvement lors d’une discussion avec un ami qui me disait que “quand même”, avec le nouveau vaccin contre le Covid, on est bien en plein transhumanisme !

Alors je vous arrête tout de suite, ce post n’a rien à voir avec le vaccin. Ce n’est pas un sujet sur lequel je veux m’étendre. Certains n’ont rien dit, peut-être à tort. D’autres ont écrit, peut-être à tort. Bref, vous me suivez. Dans tous les cas, ce n’est pas la nature du vaccin ou ses implications sanitaires et éthiques qui m’intéressent dans ce post. Je resterai, ici, agnostique.

Par contre ce qui m’intéresse, et ce que je connais, c’est le transhumanisme. C’est sur ce dernier que je voudrais apporter une ou deux précisions. En fait, une seule. En essayant d’être le plus clair et concis possible, disons les choses ainsi : les vaccins contre le Covid ne s’apparentent pas au transhumanisme.

Ce dernier est un mouvement aux frontières bien définies, avec des caractéristiques claires. Le transhumanisme, c’est la volonté d’améliorer les capacités humaines au-delà de ce que nous pensons possibles, jusqu’à ce que nous devenions des “plus” qu’humains, des post-humains. Nous serons réellement autre chose ! Le transhumanisme va promouvoir une évolution de l’humanité guidée par la technologie, en particulier les quatre nouvelles technologies connues sous l’acronyme NBIC : nanotechnologie, biotechnologie, sciences de l’information, et sciences cognitives. Le transhumanisme, c’est aussi un mouvement qui souhaite par-dessus tout dépasser toutes les limites de l’humain : les limites émotionnelles et physiques, les limites cognitives, et bien sûr la limite ultime qui est celle de la mort.

Le transhumanisme. Ce n’est pas tout et n’importe quoi. C’est un mouvement qui a une définition, qui a une histoire, une philosophie, des représentants publics, un réseau, etc. Il est quelque chose, et à chaque fois que nous en donnons une autre image, nous utilisons le nom “transhumanisme” à nos propres fins, sans soucis de vérité et d’exactitude. Ce n’est pas forcément volontaire, et rarement conscient. Nous avons tous tendance à ce genre de généralisations, et nous devons y prendre garde. Ce n’est pas volontaire, mais c’est tout de même un manque d’exactitude.

Or, la foi que nous partageons nous demande d’être justes avec les autres, y compris nos ennemis, et à d’autant plus forte raison avec ceux avec qui nous sommes en désaccord. Présenter leur position, leur “vision du monde” avec justesse, cela fait partie de l’éthique chrétienne.

Vous allez peut-être me dire : “Allez, voyons, tu sais bien ce qu’il veut dire quand il dit cela.”

Et bien non, je ne sais pas.

Dire le contraire, ce serait faire de moi un nominaliste des temps modernes. Ce serait croire que finalement les mots ne sont que des mots et qu’ils ne disent absolument rien en eux-mêmes. Ils ne dépendent que du sens que moi je leur donne.

Il est facile de mettre tout ce qu’on veut dans le terme “transhumanisme.” C’est facile. Trop facile.

Le problème, c’est que ce serait faux. Non, le vaccin ARNm n’est pas du transhumanisme. Est-ce que c’est toucher au fonctionnement mêmes des cellules humaines. Je ne sais pas. Est-ce que c’est une tentative de modifier l’humain. Je ne sais pas. Je n’ai pas étudié la question, et je n’ai aucune formation dans ce domaine. Je pourrais avoir un avis informé, mais pour le moment ce n’est pas le cas. Je reste donc, comme je l’ai déjà écrit, agnostique.

Par contre, si cette nouvelle technologie vaccinale n’a pas comme but direct d’augmenter les capacités cognitives, physiques, ou émotionnelles ; si cela n’a pas comme but d’éradiquer toutes les limites humaines… alors non, ce n’est pas du transhumanisme. C’est autre chose, et il convient de lui trouver un nom. Mais, au risque de me répéter, ce n’est pas du transhumanisme.

Ne soyons pas les nouveaux nominalistes qui, pour des raisons de pure rhétorique, allons dire qu’un mot peut signifier tout et n’importe quoi… et surtout ce qui nous arrange. Non, “transhumanisme” ne veut pas dire “toucher à la nature humaine”… cela veut dire bien plus que cela. C’est bien plus précis que cela ! Nous ne pouvons pas mettre dans la catégorie “transhumanisme” tout ce avec quoi nous ne sommes pas d’accord – même si cela touche l’éthique du corps et les nouvelles technologies.

Utiliser les bons termes, cesser d’être les nouveaux nominalistes, ce n’est pas seulement nécessaire pour bien se faire comprendre. Vous l’aurez vu, c’est une démonstration de l’éthique chrétienne : c’est rendre à chacun ce qui est à lui. Mais c’est aussi démontrer que nous sommes les gestionnaires responsables de l’un des dons les plus merveilleux que Dieu a confié aux hommes :

Le langage.