Une foi, des arguments
Une foi, des arguments

Une foi, des arguments

Un nouvel ouvrage de référence, auquel j’ai eu l’honneur de participer, vient d’être publié par La maison de la Bible. Il s’agit d’un dictionnaire d’apologétique, Une foi, des arguments. Nous devons cette ressource assez unique à la vision et au travail éditorial de Lydia Jaeger (directrice d’études à l’Institut biblique de Nogent) et à Alain Nisus (professeur associé à la Faculté libre de théologie évangélique). Ces deux collègues ont réussi à produire un ouvrage qui est à la fois compréhensif, dans son ampleur, mais qui reste lisible. L’organisation de la mise en page, déjà adoptée dans le Pour une foi réfléchie d’Alain Nisus, et adaptée une fois de plus par l’équipe de La maison de la Bible, aide le lecteur à parcourir cet ouvrage de presque 1 000 pages.

Les deux éditeurs se sont entourés de théologiens, mais aussi de professionnels jetant un regard chrétien sur les domaines pour lesquels ils sont consultés. Nous retrouvons certains noms bien connus du monde évangélique comme Karim Arezki, Emile Nicole, ou Frédéric Baudin, mais aussi des noms moins connus comme Anne-Frédérique Caballero, spécialiste de C.S. Lewis, et que j’avais eu le plaisir de rencontrer il y a quelques années.

La foi en Christ, loin de nous maintenir dans l’infantilité, nous invite à être des chrétiens adultes

Organisé en neuf parties, cet ouvrage se veut global et aborde les neuf sujets suivants :

Un : La présentations des approches apologétiques. Ici sont présentées les écoles classique, empiriste, présupositionaliste, de même que l’apologétique de C.S. Lewis, celle de la “subjectivité comblée” (ex. Kirkergaard, Pascal), ou celle de l’épistémologie réformée (ex. Alvin Plantinga et Nicholas Wolterstorff).

Deux: Les arguments théistes en faveur de l’existence de Dieu, au sein desquels figurent l’argument du desir (de C.S. Lewis) ainsi que celui du pari de Pascal, souvent incompris et ridiculisé. La présentation de Lydia Jaeger est restaure l’argument à sa propre place.

Trois : Les arguments des athées contre la foi chrétienne, que ce soit des objections en tant que telles ou des alternatives à la foi chrétienne, telle la revendication d’un athéisme “au nom de l’homme”. Lire en particulier le chapitre de Daniel Hillion (directeur des études au SEL), “La foi : simple consolation pour les faibles, les pauvres, et les malheureux ?”

Quatre : Les réponses aux questions fondamentales touchant la fiabilité de la Bible. C’est à mon sens la seule partie qui aurait mérité d’être plus élaborée. Mais l’ouvrage faisant presque déjà 1 000 pages, c’est déjà suffisant pour le lecteur, qui bénéficie des nombreuses indications bibliographiques pour aller plus loin.

Cinq : Une présentation des affirmations bibliques qui posent problème et des indications sur leur explication apologétique. En dehors des thèmes communs (la violence dans la Bible, le génocide cananéen, l’homosexualité, la colère divine, etc), nous trouvons aussi une chapitre fascinant sur “Le diable et les démons” par Alain Nisus. Peut-être que nous ne sommes pas toujours confrontés à ce style d’interpellation : “Quand même, comment pouvez-vous encore croire au diable et aux démons ?” Peut-être… parce que nous n’y croyons pas nous-mêmes. Tragiquement, nous aurions alors perdu une dimension importante de l’Écriture.

Six : Le christianisme comme religion culpabilisante. Trois aspects sont abordés dans cette partie : la culpabilité de l’homme et le péché original ; le sacrifice expiatoire de la croix ; l’enfer. Ce qui est rassurant dans ces chapitres, c’est de voir que des doctrines qui sont à mon sens importantes pour une théologie biblique saine et équilibrée sont présentées et défendues. Merci aux trois auteurs qui ont rédigé les articles en question (respectivement Alain Nisus, Micaël Razzano, et Lydia Jaeger).

Sept : Le problème du mal et de la souffrance. Ici sont abordées les questions classiques sur la bonté et la puissance de Dieu, mais aussi une question plus personnelle (“Pourquoi Dieu ne m’aide-t-il pas ?), ainsi qu’un retour, mais sous un angle différent) sur la question de la violence (article à noter, écrit par Yohan Tourne, des GBU).

Huit : Les questions liées à la relation entre science et foi. C’est peut-être l’une des parties qui apportera le plus à certains lecteurs confrontés à ces questions dans l’exercice de leur ministère ou professionnel. Le chapitre délicat sur création/évolution est bien mené par Lydia Jaeger, même si, à titre personnel, il m’aurait semblé plus pertinent de tracer les contours des positions évangéliques légitimes au vu de l’emphase évangélique sur l’autorité de la Bible. Ne me positionnant pas dans une perspective évolutionniste, j’apprécie cependant la délimitation de la vraie ligne de fracture qui est entre une évolutionisme totalisant (et donc idéologique) et un créationnisme (qu’il soit “strict” ou “évolutionniste”).

Neuf : Une interaction entre la foi chrétienne et les autres religions. Parmi ces dernières deux contributions religieuses sont à noter : l’introduction “Christianisme face au relativisme” de mon collègue Pierre-Sovann Chauny, mais aussi le chapitre sur les religions traditionnelles africaines (par Alain Nisus). Ce dernier chapitre est particulièrement important dans le contexte francophone (pour peu que nous évitons d’associer trop exclusivement “francophone” et “France” !).

Un ouvrage de référence précieux pour aider à répondre aux questions qui nous sont posées par la société et pour permettre un véritable dialogue entre chrétiens et non-chrétiens.

L’apologétique éveille un grand intérêt dans le monde évangélique, surtout ces quinze dernières années et je crois même qu’il y a une grande résurgence de l’œuvre apologétique en France – du moins dans le monde évangélique. En tant que professeur d’apologétique à la faculté d’Aix, où l’apologétique a tient une place aussi importante que la théologie systématique, je me réjouis du nombre de très bons outils disponibles. Ma prière est que Dieu se serve de cette publication pour nourrir, encourager, et soutenir le renouvellement de notre vocation apologétique. Que notre proclamation, notre présentation, et notre défense de la foi se fasse pour la gloire de Dieu, non pour notre propre réputation, en gardant les yeux fixés sur Jésus-Christ !