Poème pour le nouvel an
Poème pour le nouvel an

Poème pour le nouvel an

Une nouvelle année s’introduit dans nos vies. Sans que nous ne le lui ayons particulièrement demandé ; sans qu’elle n’y soit invitée. Certains d’entre nous s’en réjouissent, d’autres le déplorent, d’autres encore vont par sagesse attendre de voir ce que… attendez une minute. On dit d’habitude “voir ce que l’année nous réserve.” Bien sûr c’est une expression… impropre, mais nous la comprenons.

Derrière ce que l’année nous réserve, il y a bien quelque chose qui nous est préparé à l’avance. Les théologiens en parlent, bien sûr, par le terme de providence. Ce ne sont pas les seuls à le faire. Les poètes aussi peuvent diriger nos yeux, et nos cœurs, sauf que ceux qui cisèlent les mots et les rythmes utilisent rarement le langage des théologiens, mais plutôt celui de l’image et des émotions.

Cette année, notre nouvel an est poétisé par le grand Lamartine, dont le “Poème pour le nouvel an,” nous appelle et attire vers le Dieu qui nourrit, soutien, et conduit le ciel, la terre, et tout ce qu’ils renferment – y compris tous les jours de nos vies, dans les plus quotidiens de leurs instants.

Le poème de Lamartine trace un chemin entre Dieu et les hommes, et ce chemin dessine un abysse que le temps démarque. Dieu est le Père de tous les temps, le créateur de 2023. Nous regardons les jours se lever devant nous, lors de chaque aurore, pendant que Dieu accompagne et caresse avec une grande bienveillance le passé et l’accomplissement de tous les temps.

Apprenons en 2023 à compter notre temps, à compter nos jours (Ps 90.12) afin que lorsqu’au cours d’une année qui se voulait nouvelle, nous rencontrerons le Seigneur, nous contemplions le rivage éternel.

Sans plus, je vous laisse découvrir ce poème, que je ne vais pas le citer en entier car il est assez long. Vous pouvez le lire en ligne ici : Alphonse de LAMARTINE, “XIX. Pour le premier jour de l’année”, Harmonies poétiques et religieuses,, 1860, http://fr.wikisource.org

Mais toi seul, ô mon Dieu, par siècles tu mesures
Ce temps qui sous tes mains coule éternellement !
L’homme compte par jours ; tes courtes créatures
Pour naître et pour mourir ont assez d’un moment.

Des moments les heures sont nées,
Et les heures forment les jours,
Et les jours forment les années
Dont le siècle grossit son cours.

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Seigneur, père des temps, maître des destinées,
Qui comptes comme un jour nos mille et mille années,
Et qui vois du sommet de ton éternité
Les jours qui ne sont plus, ceux qui n’ont pas été ;
Toi qui sais d’un regard, avant qu’il ait eu l’être,
Quel fruit porte en son sein le siècle qui va naître ;
Que m’apporte, ô mon Dieu, dans ses douteuses mains,
Ce temps qui fait l’espoir ou l’effroi des humains ?
À mes jours mélangés cette année ajoutée
Par l’amour et la grâce a-t-elle été comptée ?
Faut-il la saluer comme un présent de toi,
Ou lui dire en tremblant : « Passe, et fuis loin de moi ! »
Les autres tour à tour ont passé, les mains pleines
De désirs, de regrets, de larmes et de peines,
D’apparences sans corps trompant l’âme et les yeux,
De délices d’un jour et d’éternels adieux,

De fruits empoisonnés dont l’écorce perfide
Ne laissait dans mon cœur qu’une poussière aride :
Mon cœur leur demandait ce qu’elles n’avaient pas,
Et ma bouche à la fin disait toujours : « Hélas ! »

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Bénis donc cette grande aurore
Qui m’éclaire un nouveau chemin ;
Bénis, en la faisant éclore,
L’heure que tu tiens dans ta main !
Si nos ans ont aussi leur germe
Dans cette heure qui le renferme,
Bénis la suite de mes ans,
Comme sur tes tables propices
Tu consacrais dans leurs prémices
La terre et les fruits de nos champs !

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Qu’enfin sur l’éternelle plage
Où l’on comprend le mot Toujours !
Je touche, porté sans orage
Par le flux expirant des jours,
Comme un homme que le flot pousse
Vient d’un pied toucher sans secousse
La marche solide du port,
Et de l’autre, loin de la rive,
Repousse à l’onde qui dérive
L’esquif qui l’a conduit au bord !