Chronique du mystagogue, 4
Chronique du mystagogue, 4

Chronique du mystagogue, 4

Ceci est le premier d’une série de posts “Chronique des mystagogues.” Vous ne savez pas encore ce qu’est un mystagogue ? Lisez cet article.

« Vous croyez éloigner le jour du malheur, et vous faites approcher le règne de la violence.Couchés sur des lits d’ivoire, vautrés sur des divans, ils mangent les jeunes béliers du troupeau, les veaux à l’étable. » (Amos 6.3-4)

De temps en temps, une nouvelle « affaire » envahit nos écrans et s’installe en permanence dans ns fils d’actualités. Vous ne pouvez certainement pas y échapper sur les réseaux sociaux. Il y a presque dix ans, quand j’ai écrit cet article, c’était l’affaire Cahuzac. Il s’agissait seulement de l’énième scandale politico-financier ébranlant la confiance des français en leur gouvernement. Jérôme Cahuzac, alors ministre délégué au Budget, se trouva dès le déclenchement de cette « affaire » (en décembre 2012) au centre d’une controverse nationale. Accusé par le site d’informations Médiapart d’avoir possédé des fonds non déclarés sur un compte en Suisse, puis à Singapour, le ministre clama son innocence devant les députés de l’Assemblée nationale. L’ouverture du dossier d’enquête interviendra le 29 décembre, à la suite de l’envoi, par le directeur de Médiapart, d’une lettre au procureur de Paris1. Une information judiciaire sera ouverte le 19 mars 2013, le jour même où Cahuzac « démissionnera » du gouvernement Ayrault.

Le 2 avril, Cahuzac finit par reconnaître qu’il possédait bien 600 000 euros sur un compte « à l’étranger » et s’en excusa auprès du président et du premier ministre. Bien sûr des excuses aux français ne furent pas à l’ordre du jour. Cahuzac fut alors mis en examen pour blanchiment et fraude fiscale Ceci intervint au même moment où les banques Crédit Agricole et BNP Paribas furent soupçonnées d’avoir largement « favorisés » l’ouverture de comptes dans les paradis fiscaux. Nous arrivons en 2019, et le résultat de la procédure en justice tombe : Jérôme Cahuzac sera finalement placé sous bracelet électronique.

Alors, que penser de l’« affaire Cahuzac » ? Rien d’extraordinaire. Après tout, on ne peut décemment pas attendre des hommes politiques trop d’honnêteté et de transparence. Mais heureusement la France n’est pas le seul pays où de telles affaires se produisent. Soyons rassurés, la France n’est pas le seul pays dans lequel les politiques sont corrompus. En plus, ce n’est pas mieux ailleurs.

Voici quelques réactions lus sur internet :

« Ecoeurant ! Et pendant ce temps, les GJ [gilets jaunes] vont en taule pour avoir jeté un pavé. Quel scandale ! »
« Il ment avec tant de talent qu’il va y faire un tabac. »
« Cet homme a trahi la république. Ce n’est pas l’aménagement de sa peine qui est scandaleuse, c’est la légèreté originelle du jugement. »
« Parfois je ne comprend pas la justice. »
« ‘Deux poids, deux mesures.’ ‘Fort avec les faibles, faible avec les forts.’ ‘Les loups ne se mangent pas entre eux.’ Voilà des messages clairs envoyés au bas-peuple. »

Blasés, certains français semblent ne plus rien attendre de leurs politiciens. Mais ils ne tombent pas dans le désespoir pour autant. Ils sont « blindés » et peuvent même excuser ceux qui trahissent leur confiance. Après tout, ce n’est pas mieux ailleurs. Nous n’avons pas le choix, nous devons faire avec ! L’idée est claire. Nous l’avons tous dit … sauf que certains s’en sont repentis ! Quel autre choix pourrions-nous bien avoir ? Il faut faire avec car tout le monde fait pareil. C’est ce vous pouvez entendre dire aux informations télévisées à la suite de n’importe quel scandale politique ou financier. Oui, les politiciens en prennent sous la table, mais que voulez-vous ! C’est comme cela que ça fonctionne ! Et de toute façon, oui c’est un problème… « mais c’est pas mieux ailleurs ! »

C’est pas mieux ailleurs. Est-ce que cela veut vraiment dire quelque chose ? Au premier abord, nos contemporains peuvent vouloir dire plusieurs choses :

(1) C’est inévitable. La corruption en politique, dans les finances, dans les marchés publics, dans les grandes entreprises, est inévitable. Que voulez-vous bien qu’on y fasse ? Il faut accepter, fermer les yeux. Il faut bien sûr essayer d’améliorer les choses mais nous savons bien que le monde n’est pas parfait et que la politique ne sera de toute façon pas parfaite. En plus, si nous regardons ailleurs dans le monde, nous pouvons toujours trouver pire ailleurs.

(2) Mais il y a aussi l’argument économique. Si nous ne faisons pas comme tout le monde, nous perdrons des marchés, nous ne seront pas aussi compétitifs. Pour le bien de l’économie française et pour le bien commun, nous devons faire jouer la corruption. Il ne faut pas en faire trop, mais juste la contrôler, tout en fermant les yeux lorsqu’il le faut. Encore une fois, il n’y a pas d’autre choix.

(3) Et finalement, nous ne sommes pas si mauvais. Oui, la France n’est pas parfaite mais enfin, nous sommes le pays de l’Encyclopédie, de la raison, de la science. Et la France, c’est le meilleur système d’éducation, des droits de l’homme ! Oui, bien sûr il y a un peu de corruption, oui nous ne sommes pas parfaits, mais nous restons parmi les meilleurs.

C’est d’ailleurs l’ensemble de ces trois attitudes qui motivent la proposition d’organisation d’un référendum sur la moralisation de la politique avancée par celui qui était à l’époque le premier secrétaire national du Parti Socialiste, Harlem Désir. Et dans cet élan, François Bayrou aussi bien que Jean-Luc Mélenchon appelèrent à une organisation similaire – même si le président refusa toujours une telle option. On pourrait d’ailleurs bien se demander à quoi servirait un tel référendum puisqu’il n’aurait en réalité aucun impact concret. Il ne donnerait lieu à aucune législation et ne changerait au quotidien rien dans l’attitude politique. A qui servirait ce référendum ? Oh, probablement à resserrer les rangs du PS et des partis de gauche. Il pourrait aussi servir à la droite à faire des propositions de lois ou de décrets pour regagner la confiance de leurs adhérents.

François Bayrou, malgré les défauts qu’on pourrait lui trouver, a bien identifié ce qui se cache derrière la volonté de référendum sur la moralisation de la politique : démagogie. C’est ce que tout le monde veut entendre ! Quelle meilleure manière de dire ce que tout le monde veut entendre que de proposer ce que tout le monde veut entendre ? Et puis, franchement, qui ira voter « non » lors d’un référendum sur la moralisation de la politique ? Qui ira dire : « Non, moi je veux plus de corruption ! Volez, tuez, échangez sexe contre position politique ! » ? Tout le monde veut entendre que la politique sera meilleure, que l’économie sera meilleure, que le pays sera meilleur. Ce référendum n’a donc eu aucun sens. C’était l’exemple type de la mystagogie !

Mais ledit référendum n’est pas la seule chose qui n’aurait eue aucun sens. D’une certaine manière, même des lois (ou propositions) sur la moralisation de la politique ne changeraient à long terme pas grand chose. Pourquoi des pays comme la Suède ou le Danemark sont-ils classés parmi les moins corrompus ? En partie parce que les citoyens feront en sorte que les politiciens soient redevables de leurs actions. L’ancienne vice-première ministre du Danemark n’avait-elle pas d’ailleurs été poussé, par pression populaire, à démissionner à cause d’une petite erreur de remboursement de frais professionnels. Il faut donc une moralité de la citoyenneté avant même une moralisation de la politique ! Le problème c’est que bien sûr la moralisation de la politique ne peut être possible que si elle est exigée par les citoyens. Par la plupart des citoyens, et que ces derniers ont un moyen de contrôle sur cette moralisation politique. Non pas contrôle par une commission, mais par le peuple lui-même ! En fin de compte, seulement dans une démocratie directe les politiciens peuvent-ils vraiment être tenus responsables par les citoyens. Dans une démocratie représentative, ils ne sont redevables qu’à leurs pairs. Et si leurs pairs sont eux aussi plus ou moins corrompus, le système lui-même ne changera pas.

Mais qu’importe, il nous faut nous rassurer en nous disant que tout le monde veut une moralisation de la politique. Savoir que nous ne l’avons jamais fait ne compte pas vraiment. Ce qui compte, c’est de savoir que ce n’est pas mieux ailleurs. Voilà qui devrait nous rassurer : « de toute façon, ce n’est pas mieux ailleurs. Mais est-ce vraiment le cas ? Vérifions ensemble que la situation n’est pas meilleure ailleurs. Plusieurs moyens nous sont disponibles pour vérifier cela. L’un d’entre eux est d’utiliser l’Indice de Perception de la Corruption (IPC) dont le dernier rapport a été publié en 2012, et renouvelé en 2018, par Transparency International.

L’IPC est un classement réalisé par des sondages, qui ne sont certes pas parole d’évangile mais qu restent indicatifs, des pays et territoires selon le degré perçu de corruption de leur secteur public (degré perçu, ce qui signifie qu’il y a un écart probable avec le degré réel de corruption). Il s’agit d’un indice composite—une combinaison de sondages – s’appuyant sur la corruption liée à des données recueillies par diverses institutions réputées. L’IPC reflète ainsi les points de vue des observateurs du monde entier, y compris des experts qui vivent et travaillent dans les pays et territoires évalués.

Les indices de corruption sont pris très au sérieux et incluent la traduction de la corruption dans la vie citoyenne, notamment dans les souffrance humaines résultant dans la corruption du secteur public, mais aussi dans l’appauvrissement des familles ayant à payer des pots de vin pour avoir accès au médecin ou à l’eau potable. La corruption aboutit aussi à l’échec des prestations de service les plus élémentaires comme l’éducation ou la santé. Si nous n’avons pas, en France à craindre les premiers effets plus dramatiques, il y a des inquiétudes à avoir concernant les secondes, d’autant plus que la corruption déstabilise aussi la construction d’infrastructures essentielles, comme le dynamisme et l’intégrité des structures dirigeantes. L’index indique aussi :

“La complaisance envers la corruption a maintenant été exposée et le lien entre la corruption, ou un manque de transparence, et le processus politique est de plus en plus établit par les citoyens européens. Trois quarts d’entre eux pensent que la corruption est un problème majeur dans leur pays, selon le sondage 20122.”

La corruption est donc un problème, mais pas seulement économique. On ne peut pas décemment penser que ça ne l’est pas. Pour prendre l’exemple de la France, elle est le 21e pays le moins corrompu, et 12e au rang Européen. Pas mal certains diront, avec un certain bon sens.

Sauf que : le sondage le plus optimiste en France donne une note de corruption plus basse que le sondage le plus pessimiste au Danemark, en Suède ou en Finlande. En d’autres termes, le Français qui a la meilleure opinion de son pays a une opinion encore en-dessous du Danois qui a la moins bonne opinion de son pays. Et avec raisons à l’appui ! Ce qui m’étonne c’est que l’orgueil national légendaire des français, le cocorico tricolore est un peu enroué : même les français les plus patriotes n’ont pas une très bonne opinion à propos da la corruption dans leur pays.

Un autre problème c’est la complaisance à laquelle ce genre de sondages peut nous conduire. Nous ne sommes pas si mal classés après tout ! Loin derrière les pays scandinaves et devant l’Espagne et l’Italie (en fait, tout juste devant) : nous ne sommes pas mal classés. Mais faut-il voir un sondage sur la perception de corruption des pouvoir publiques comme un classement, comme une compétition ? Ce n’est pas une compétition, et il ne faut donc pas se réjouir trop vite d’être à la 12e place Européenne. D’ailleurs, 12e, ce n’est pas vraiment impressionnant. Il n’y a pas de quoi se réjouir, même pas de quoi se consoler. C’est plutôt avec cris et tremblements, ou avec le sac et la cendre qu’il faudrait lire un tel rapport.

Mais voilà : pour nous sentir mieux, nous voulons toujours nous comparer au niveau le plus bas. C’est rassurant, cela nous valorise. Au lieu d’être remplis de honte à la vue du fort indice de perception de corruption – qu’elle soit réelle ou non—nous voulons être valorisés. Au lieu d’être conduits à plus d’humilité, nous nourrissons notre orgueil, au lieu de nous remettre en question. C’est pourtant pou cela qu’un tel sondage devrait être fait. Nous remettre en question. Mais pas nous. Nous sommes meilleurs que cela, nous avons besoin de changer un peu, d’améliorer les choses, mais certainement pas de nous remettre en question. « C’est pas mieux ailleurs », donc soyons fiers de la démocratie que nous avons ici !

Alors… mystagogie. Parce que finalement, qu’est-ce que ça veut dire « c’est pas mieux ailleurs » ? Au point de vue strictement grammatical cette phrase est (presque) correcte. Mais elle ne veut rien dire, et c’est parce qu’elle ne veut rien dire qu’on la comprend. C’est la beauté de la mystagogie. Ça n’a pas besoin de vouloir dire quelque chose pour qu’elle se comprenne. À la différence, la démagogie serait de dire quelque chose comme : « La situation n’est pas si grave ». Ou : « La corruption, oui, mais pas ici ». Ou encore : « Nous allons prendre des mesures encore plus sévères ». C’est ce que tout le monde veut entendre, c’est de la démagogie, c’est le langage qui conduit le peuple, c’est le langage que le peuple veut entendre.

Nous aussi avons tendance à utiliser le « c’est pas mieux ailleurs » comme excuse pour … et bien pour tout et n’importe quoi ! Moi le premier !

Le problème, c’est que même les disciples de Christ ont tendance à rester passifs. Nous aussi avons tendance à utiliser le « c’est pas mieux ailleurs » comme excuse pour … et bien pour tout et n’importe quoi ! Moi le premier ! Qu’attendre des grands financiers, des politiciens… et des grandes entreprises. Rien ne changera de toute façon, alors… Alors ? Ai-je parfois dit : « De toute façon c’est pas mieux ailleurs » ? C’est possible. Probable même.

Ce n’est pas mieux ailleurs. J’ai parfois utilisé cela comme une justification théologique. Dans une société marquée par le péché, que devons-nous attendre d’autre ? Dans un monde dirigé par des hommes pécheurs, pouvons-nous attendre autre chose que violence, corruption, et convoitise ? Bien sûr que non ! Cynisme ? Réalisme ? Vue partielle de ce qu’un monde, même séparé de Dieu, continue d’être. Notre monde, nos sociétés, tous les individus qui la composent – même nous – sont marqués par de renversement originel.

Cependant, Dieu œuvre dans le monde en le préservant des effets radicaux du péché. Dieu continue de soutenir sa création et, d’une manière mystérieuse, continue de l’accompagner. Par son amour fidèle, le soleil se lèvre sur les bons comme sur les méchants ; par son immense compassion, il fait pleuvoir la pluie sur les bons comme sur les méchants (Mt 5.45). Dieu empêche aussi nos mains de commettre des péchés ignobles, tout comme il a empêché la main de David de mettre à mort Nabal, l’époux d’Abigaïl (1 Sm 25.216). Ne soyons pas plus fatalistes que l’oeuvre divine. Nous pouvons nous attendre, et prier, pour des décisions humaines qui soient, non pas parfaites, ni même totalement justes, mais le plus justes possibles dans un monde qui gémit en attendant la venue du royaume.

Oui, souvent les choses ne sont pas mieux ailleurs. Nous avons une explication à cela. C’est ce que la Bible appelle le péché. La séparation que l’humanité connaît avec son créateur a transformé à la fois qui nous sommes et le monde dans lequel nous vivons. Personne n’est à l’abri des effets dévastateurs du péché. Ce n’est pas mieux ailleurs, car tous les humains sont pécheurs. Nous devons marteler cela. Sans la radicalité du péché, il nous est impossible de dire « ce n’est pas mieux ailleurs » sans en faire une excuse. Or ce n’est pas une excuse, c’est une explication.

Le fait que nous soyons tous pécheurs ne signifie cependant pas que nous pouvons excuser toutes les corruptions simplement parce que nous sommes tous pécheurs. La Bible en effet ajoute à l’affirmation que nous sommes tous pécheurs une autre affirmation tout aussi radicale : nous sommes responsables de notre péché. Là aussi, il n’y a pas d’excuses. Ce n’est pas mieux ailleurs : mais nous devrions ne pas être à l’image d’un monde corrompu. L’enseignement biblique peut paraître ici contradictoire. Si nous sommes tous pécheurs et que nous ne sommes en nous-mêmes pas capables du bien, alors sommes-nous vraiment responsables de la corruption que nous répandons dans nos structures sociales ? Il y a une part de mystère ici, mais le langage biblique est clair sur ces deux points : nous sommes pécheurs et nous en sommes responsables. Il est donc possible pour les disciples de Christ de rappeler ces deux dimensions vitales de la dynamique sociale.

La voix prophétique d’un Amos nous rappelle que la dénonciation du péché que nous voyons fait partie intégrante de notre vocation chrétienne. Amos est un prophète radical et il n’hésite pas à s’opposer à tous les responsables politiques qui abusent de leur position, y compris son propre gouvernement. Contre ceux qui « font approcher un règne de violence » (6.3), qui « sont mollement étendus sur leurs lits » (6.4) et qui ont « changé la droiture en poison » (6.12), Amos annonce que Dieu viendra en jugement pour leur ruine (6.11-14). Amos ne se contente pas de dire que puisque les chefs de son gouvernement sont pécheurs, il ne peut pas dire grand-chose. Il leur annonce qu’ils auraient dû choisir le bien, et qu’ils sont coupables de ne pas le faire.

Amos, c’est l’anti « ce n’est pas mieux ailleurs ». Surtout lorsqu’il considère l’appel qui était celui du peuple de Dieu.

Le disciple ne cherche pas à savoir quelle est le minimum spirituel. Il désire être à l’image de Christ.

Voilà ce qui motive notre vie chrétienne : être petit à petit transformés à l’image de Christ. Toujours, en toutes choses. Et lorsque nous échouons parfois à être cette image vivante du Seigneur, que faisons-nous ? Nous ne disons pas que les autres ne sont pas meilleurs. Ce serait les juger et ce serait sous-estimer la force de la grâce de Christ. Car c’est celle qui nous fait constamment avancer. Le disciple de Christ n’est jamais satisfait, mais il n’est pas non plus légaliste. Il sait qu’il n’est pas parfait, mais il n’utilise pas cela comme prétexte pour ne pas avancer vers Christ. Le disciple de Christ ne se contente pas de voir que « ce n’est pas mieux ailleurs ». Il se trouve entraîné, par le Saint-Esprit, sur le chemin de la sanctification. Il ne cherche pas à savoir quelle est le minimum spirituel. Il désire être à l’image de Christ.

Sur ce long chemin, le croyant cherchera à vivre la vie de Christ. Il cherchera à vivre la justice de Christ, la paix de Christ, l’amour de Christ. Que les autres pays soient « aussi corrompus » ne le satisfera pas. Il essaiera, dans son milieu professionnel, dans sa famille, avec ses amis, de refléter la personne de son Seigneur. Son objectif ? Que ses contemporains disent : « C’est mieux ailleurs ! » Nous devons chercher, par tous les moyens, qu’autour de nous les gens se disent : « Je désire ce qu’ils ont parce que… c’est mieux ailleurs ! » Nous devons être témoins vivants de cette exhortation du psalmiste : « Goûtez, et voyez combien le Seigneur est bon » (34.9)

S’il est vrai que la politique ne sera pas parfaite, s’il est vrai que la corruption des institutions ne disparaîtra pas complètement, devons-nous pour autant invoquer le « c’est pas mieux ailleurs » comme une formule magique ? Ou voulons-nous refléter Christ y compris lorsque nous parlons « politique » ? Que faisons-nous, que disons-nous ? Nous avons souvent tendance, parce que nous sommes chrétiens, à attendre une exemplarité morale et éthique de nos politiciens et de tout membre du service public. Ce serait avec raison, sans aucun doute. Cependant notre réaction a toujours tendance à demander ce que nous-mêmes dans notre vie spirituelle, dans notre vie chrétienne sommes incapables d’atteindre : la perfection. Nous attendons des politiciens une éthique que nous-mêmes ne pouvons vivre parfaitement ! Est-ce une raison pour accepter la moindre trace de corruption ? Non. Mais c’est une raison suffisante pour regarder nos politiciens avec un œil moins mal-veillant. Avons-nous de sérieux doutes sur leur intégrité ? Oui, c’est légitime. Devons-nous prier pour qu’ils restent fermes en face des nombreuses tentations ? Oui, car nous ne sommes probablement pas conscients de la pression qui s’exerce sur ceux qui sont en position d’autorité.

Devons-nous tout excuser ? Bien sur que non, car avec les grands pouvoirs qui sont les leurs, viennent aussi de grandes responsabilités. En tout cas ce grand philosophe qu’est Spiderman nous le rappelle. Et nous, nous qui parfois faisons les frais de cette corruption, mais bien à l’abri derrière notre éthique, n’avons pas encore pris conscience qu’il nous faut trouver un moyen, en tant qu’individus et en tant qu’églises, de soutenir les politiciens que nous connaissons, de les encourager et d’affronter la force de persuasion de la corruption publique.

Voilà ce que l’Église peut être : encore et toujours lumière et sel de la terre, même dans des domaines comme la politique, même lorsqu’il est question de la moralisation de la politique. Cette tâche est exigeante et nous demande de rejeter le classique « c’est mieux ailleurs » afin d’annoncer l’espérance d’un royaume sans corruption.

_________________________

Notes :

1Edwy Plenel, « Affaire Cahuzac: la lettre de Mediapart au Procureur de la République », 29 décembre 2012, Médiapart, http://blogs.mediapart.fr, consulté le 26 septembre 2019.

2Transparency International, http://www.transparency.org, consulté le 4 février 2019.

_________________________

Copyright (C) 2013 Yannick Imbert
Permission is granted to copy, distribute and/or modify this document under the terms of the GNU Free Documentation License, Version 1.3 or any later version published by the Free Software Foundation; with no Invariant Sections, no Front-Cover Texts, and no Back-Cover Texts. A copy of the license is included in the section entitled “GNU Free Documentation License”.