Un conte de Noël
Un conte de Noël

Un conte de Noël

A Christmas Carol (Un conte de Noël), de Charles Dickens, est l’un des grands classiques de Noël, et c’est probablement l’un des « livres de Noël » les plus vendus au monde… après la Bible !

Je ne vais pas m’attarder à faire un résumé du livre. Le mieux est de le lire ! Il est d’ailleurs disponible sur Wikisource1. Ce conte est simple : nous suivons Ebenezer Scrooge, un usurier, vieux pécheur avare (dans les mots de Dickens) qui va vivre une nuit pas comme les autres. Son partenaire Marley est mort, lui qui n’avait pas de compassion. Scrooge n’en a pas plus. Mais, pour une raison inconnue, une raison gracieuse, il va avoir une occasion de revenir sur sa vie et ses choix. Trois fantômes de Noël lui seront envoyés, pour tenter de le convaincre de devenir une autre personne.

Voilà l’intrigue. Quel est l’enjeu ?

Que faire du Conte de Noël alors que nous allons célébrer la naissance de Jésus ? Est-ce que c’est simplement un conte qui parle de la nécessité de changer, d’avoir une deuxième chance ? Y a-t-il une morale derrière tout cela ? Et la foi… est-elle là présente, nécessaire chez Dickens ?

Il y a dans notre société une tendance à aseptiser tout ce qui pourrait avoir de près ou de loin à faire avec la foi chrétienne. La tentation est grande de séculariser ce livre de Dickens. Après tout, Dieu ne montre jamais le bout de son nez. La foi, claire et explicite, n’est jamais évoquée. Il serait alors si facile de lire le conte comme une histoire qui parle de nous, les êtres humains. Une histoire qui parle du besoin de compassion, de générosité, de changement. Une histoire d’espoir, un espoir qui transcende toutes nos erreurs.

Il est vrai que Dickens ne tente pas d’écrire un récit « évangélique » de conversion. Il est bien plus évident qu’il est motivé par la pauvreté dévastatrice qu’il voit dans le Londres du 19e siècle, et par l’ignorance crasse de nombre de ses concitoyens – y compris ceux qui se disaient croyants. Pas étonnant donc que la foi ne soit pas explicite.

Elle est là pourtant.

Le neveu de Scrooge, Fred, incarne une attitude chrétienne, simple mais évidente : d’une salutation chrétienne à une grande générosité. De même que Tiny Tim, cet enfant qui personnalise aussi la classe pauvre victorienne : une foi simple, qui va à l’Eglise et montre une persévérance et une joie dans l’épreuve. Est-il une image de l’exhortation paulinienne : « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ! Je le répète : réjouissez-vous ! » (Philippiens 4.4) Possible. Fred et Tiny Tim seraient deux manifestations des vertus chrétiennes.

Quant à Scrooge, il va changer. Comment ? Dickens va lui envoyer un messager. Trois en fait. Ce ne seront pas des anges, mais trois fantômes : celui des Noëls passés, celui du Noël présent, et celui des Noëls futurs. Si ce n’est pas un ange qui se présente à Scrooge, c’est peut-être parce que son doute le prédisposerait à ne pas croire cette apparition. D’ailleurs cette attitude se voit encore de nos jours. Lorsqu’un collègue athée vous dit qu’il ne croit pas parce qu’il n’a pas assez de preuves, je doute qu’une apparition angélique lui suffirait. Il croirait plutôt à une hallucination ou un gros coup de fatigue. Il consulterait son psychiatre, pas son pasteur !

Scrooge, touché par une grâce qu’il ne comprend pas, procède ainsi. Il est guidé par ces trois messagers. Et bien que nous puissions croire qu’en fin de compte il change par ses propres forces, il n’en est rien. S’il change vraiment, s’il est conduit à vraiment vouloir changer, il suit des guides. Si Scrooge va enfin pouvoir « honorer Noël », c’est parce que quelque chose de plus profond encore a changé, quelque chose que Dickens décide de sous-entendre plutôt que de faire entendre. Tout est fait d’allusions et de symboles. Il faut savoir chercher, mais celui qui cherche trouvera, et à celui qui frappe, on ouvrira. La porte d’une vie nouvelle s’est ouverte devant Scrooge, et à travers son retournement, une vision du royaume nous est offerte.

Le Conte de Noël a 180 ans aujourd’hui, et il mérite toujours lecture.

Une lecture de la grâce.