Manifeste d’un pasteur athée
Manifeste d’un pasteur athée

Manifeste d’un pasteur athée

Klaas Hendrikse, Croire en un Dieu qui n’existe pas : Manifeste d’un pasteur athée, Genève : Labor et Fides, 2011, 232 p. Pour l’édition originale : Geloven in een God die niet bestaat. Manifest van een atheïstische dominee, druk 2007, 204 p. Nieuw Amsterdam.

Il s’appelle Klaas Hendrikse, 63 ans, et depuis plusieurs années déjà il défraie la chronique dans sa ville de Midelburg-Zierikzee (Zélande), et jusque dans les couloirs de son union d’églises, la Protestantse Kerk in Nederland (PKN)i. La particularité de ce pasteur hollandais ? Il est pasteur athée.

Non seulement cela, mais Klaas Hendrikse n’est pas « devenu » athée après de longues années de doute au cours d’un ministère pastoral plein de tensions et de confrontations. Klaas Hendrikse n’est pas athée à cause d’une « perte de foi »ii. Non, Klaas Hendrikse a toujours été athée. Il a été élevé dans une famille athée, pour laquelle Dieu n’existait pas. Cela, Hendrikse en a toujours été convaincu. Mais alors comment en arriver au pastorat ? Tout a commencé lorsqu’HEndrikse s’est posé la question crucial : « S’il est vrai qu’ils croyaient en un Dieu qui n’existe pas, pourquoi donc faisaient-ils comme si Dieu existait ? » (p. 22) Et si dieu n’existe pas, comment être pasteur ?

Simplement en prenant comme point de départ la conviction qu’ « exister » est un verbe qui ne peut pas s’appliquer à Dieu. Pour ce pasteur pour le moins « original », Dieu ne peut pas exister car ce verbe « exister » ne peut pas ‘appliquer à lui comme on dirait qu’une rose existe ou qu’une tarte aux pommes existe (p. 36) ! Sur ce point nous sommes bien d’accord : Dieu n’est pas une tarte aux pommes.

C’est ici qu’Hendrikse commet sa première erreur historique et théologique. Il s’insurge contre les athées qui s’en prennent à une vision de Dieu moyenâgeuse. Oui. Mais Hendriske s’en prend à une conception de « Dieu existe » qu’aucun théologien n’a jamais soutenu ! Qui d’Augustin, de Thomas d’Aquiniii, de Calvin, de Barth croyait que Dieu existe de la même manière que la tarte aux pommes existe ? Aucun ! Qui d’entre Athanase, Bernard de Clairvaux, Luther, Jonathan Edwards ou C.S. Lewis pensait que « Dieu existe » signifie « Dieu est une personne telle que l’homme » ? Aucun. Tout simplement parce que « Dieu existe » ne renvoie pas à la même réalité que l’existence de la tarte aux pommes ou d’une personne appelée Klaas.

Comme beaucoup de théologiens contemporains, Hendrikse souffre donc d’une approximation théologique plus qu’impressionnante. Reflétant le postmodernisme historique de son temps, Hendrikse ne fait aucun cas de la précision théologique nécessaire à une critique telle que celle qu’il propose. Le point de départ d’Hendrikse est : « Avant, on croyait que Dieu existait … à la manière de n’importe quelle autre chose. Mais cela n’est pas possible ! » Cependant, avant même de pouvoir affirmer « avant on pensait que … » il convient de savoir ce que précisément « on » pensait avant. Certes, c’est une tâche difficile que d’essayer de comprendre avec justesse une position qu’on ne comprend pas. A défaut d’être pratique (cela prend du temps de comprendre !), c’est au moins logique ! Mais il est mieux (lire « pratique », « efficace »), à défaut d’être bien, de ne pas le faire et de s’en tenir aux clichés. « Dieu existe » ou « la tarte aux pommes existe » c’est la même chose. « Dieu est bon » ou « le gâteau au chocolat est bon », c’est la même chose. Donc impossible à maintenir !

Dieu n’est pas comme une tarte aux pommes. Si ce n’est pas un bon exemple, cela fera au moins sourire ! Mais Hendrikse va plus loin et définit « Dieu » non comme un « être », une personne, encore moins un Tout-puissant, omniscient et omniprésent ! Ce Dieu là n’existe pas : Dieu n’est pas une « personne ». Alors, sous la plume d’Hendrikse, le Dieu biblique devient l’incarnation de la rencontre, de l’affirmation de l’existence propre de la personne. Lorsque Dieu indique à Moïse: « Je suis qui je suis », c’est une démonstration de l’expérience que nous devons faire de nous-mêmes et des autres. Nous sommes la personne que nous sommes, et Dieu est la rencontre qui nous accompagne tous les jours de notre vie.

Il définit ainsi son pastorat athée : « Dieu est pour moi, non pas un être, mais ce qui peut arriver entre les personnes. » Le constat de ce pasteur pour le moins direct est clair : on ne peut plus croire en un Dieu de la même manière dans notre siècle. Les gens ne peuvent plus croire en ce Dieu traditionnel de la foi. La plupart des gens croient ou agissent comme si Dieu n’existait pas ! Pourquoi alors continuer à essayer de transmettre un message qu’ils ne peuvent plus ni accepter, ni même comprendre ?

D’où la solution de Klaas Hendrikse :  il est désormais nécessaire de croire en un dieu qui, de toute manière, n’existe pas ! Ce « dieu » n’est pas un être, une personne, encore moins un Tout-puissant, omniscient et omniprésent ! Dieu n’est pas : Dieu « arrive ». Dieu n’est pas « tout puissant », El-shaddaï, mais une « expérience formidable »—comme le terme Shaddaï lui-même en témoigne ! (p. 74). Dieu n’est pas délivrance : les hommes sont les libérateurs. Dieu n’est pas espérance : moi, vous, nous le sommes. Il n’y a que vous et ceux qui vous entourent. Là est la seule espérance. Le Dieu transcendant, le Dieu personnel qui agit … ce Dieu là n’existe plus car l’homme ne peut plus croire en lui. Mais la foi est cependant possible : simplement, c’est son objet qui doit changer.

Croire en Dieu est possible, sous condition de comprendre Dieu comme la rencontre. Dieu n’existe pas : Dieu « se produit » en chaque rencontre humaine. Voilà ce qu’est croire en un Dieu qui n’existe pas ; c’est croire que ces rencontres humaines peuvent se produire. Voilà Dieu. Dieu est le nom d’une expérience, d’une rencontre : en cela Hendriske n’a rien d’original !

Ces temps-ci, tout le monde parle d’Hendrikse : il est sur YouTube, dans les articles de Réforme, et dans les couloirs d’église. Tout cela tient probablement à la qualité de son livre. Engageant et écrit d’une manière très abordable, cet ouvrage gagne en popularité : la preuve ! Le lecteur appréciera particulièrement la liste des « termes intentionnellement évités », dont mes préférés sont certainement : « athéisme disjonctif », « réductionnisme épistémologique » ou encore « névrose ecclésiogène » ! (p. 230)

Au delà de la qualité d’écriture cependant, plusieurs problèmes sérieux se posent, autre le simple fait qu’Hendrikse n’explique jamais, au fond, pourquoi ce sont ceux qui croient que « Dieu existe » qui font semblant (alors que Dieu n’existe pas) … et non l’inverse ! Peut-être qu’Hendrikse est trop attaché à ce point de départ qu’il ne pense pas devoir le justifier explicitementiv.

Revenons à ces quelques problèmes. Premièrement, nous sommes confrontés à un problème, peut-être d’ordre philosophique, mais très certainement grammatical. “Croire en” réfère à un complément d’objet, principalement une personne. « Croire en » ne réfère d’ordinaire pas à des choses, en tous cas en bonne grammaire. Il est par exemple incorrect de dire « je crois en la résurrection de Christ. » Nous croyons « à » la résurrection de Christ, ou « que Christ est ressuscité. » De même que le symbole des apôtres ne dit pas « je crois en l’église universelle, » comme on l’entend parfois dans nos églises. Nous croyons que l’église est universelle, mais pas plus !

La deuxième différence renvoie à la force de conviction : « croire en » implique une foi, une conviction ferme et inébranlable. Ainsi, dire « croire en un Dieu qui n’existe pas » revient en fin de compte à être convaincu que Dieu n’existe pas. Comment donc « croire en » un Dieu qui n’existe pas : en étant tout simplement convaincu qu’il n’existe pas ! Mais je crois quand même, malgré tout … malgré le fait qu’il n’existe pas, je crois. Certains amis médecins ou infirmiers débattraient de l’adjectif médical à attribuer à une personne qui croit fermement en une « chose » qui par définition n’existe pas !vHendriske pourrait répondre que ce qu’il exprime par « croire en Dieu » revient à « croire en la rencontre entre les hommes ». En ce cas, la légitimité d’employer le terme Dieu pour qualifier cette rencontre est posée. D’ailleurs, Hendrikse n’admet-il pas implicitement cela lorsqu’il intitule un paragraphe de son livre « Le mot ‘Dieu’ n’est pas ce qui importe » ? (p. 108) Ce n’est pas le mot qui importe, mais la rencontre. Cela signifie-t-il quelque chose ? Si le mot employé n’importe pas … pourquoi l’utiliser ? Le mot « Dieu » pourrait donc bien autant vouloir dire « ouvrir une porte » ou « manger une tarte aux pommes » ! C’est la rencontre avec la tarte aux pommes qui importe … pas la tarte aux pommes !

Un deuxième problème est lié à cette question importante : que faire de la Bible ? Mais plus encore : que dire d’une foi qui a comme objet un non-existant ? Car on ne peut avoir de « foi » dans l’abstrait. Une foi a toujours un objet, comme le remarque Hendrikse lui-même : c’est la rencontre, de l’autre, de soi-même. C’est le trajet des émotions humaines vers soi et vers les autres : dans la douleur, l’émerveillement, dans la quête humaine pour le dépassement de soi et pour une foi active. Mais à relecture, et en me répétant, il n’y a rien de bien nouveau dans les thèses avancées par Klaas Hendrikse !

L’une de mes interrogations, face à une telle position est celle-ci : comment lire un texte dont on ne peut être certain ni de l’origine, ni du sens, ni de l’auteur ? Il est possible bien sûr d’affirmer comme le dit Hendrikse que ce qui compte ce n’est pas l’auteur, mais ce que le texte raconte. Ce n’est pas même le texte mais l’exemple de vie, l’expérience humaine, que nous trouvons dans le texte. Je veux bien essayer. Quel serait le sens de la rencontre improbable (douteusement historique, émanant d’un auteur probablement inconnu) entre le lévite d’Éphraïm, sa concubine infidèle, violée, et découpée, et les Benjamites (Juges 19) ? Qu’en faire dans ma propre expérience de rencontre : un émerveillement, une quête de soi, ou une quête de l’autre ?

Après tout, l’auteur des Chroniques ou du livre des Juges n’aurait-il pas pu être un scribe sanguinaire, sadique, à la moralité douteuse ? Quel exemple trouverait-on dans un texte écrit par un tel personnage ? Faut-il alors lire la Bible simplement parce que nous croyons (pensons, espérons) qu’il y a là des exemples particuliers de vie, des « échanges d’expériences » ? Une lecture de la Bible qui ne se pose jamais la question de l’auteur, de la pertinence de son message ou de sa portée théologique, posera certainement à terme des problèmes insurmontablesvi. Pour trouver un exemple, une expérience de laquelle je puisse apprendre, dans un texte biblique, n’est-il pas important de pouvoir avoir une confiance, ne serait-ce que relative, dans ce que le texte peut dire ? Voire même dans ce que l’auteur décrit ? Et si l’objet des récits n’est que pure invention, comment apprendre d’expériences inventées ? On pourrait répondre : il est possible d’apprendre de grandes choses par des récits fictifs. Voire, par exemple, le Seigneur des anneaux. Oui, et c’est heureux ! Mais je peux trouver certaines choses dans ce livre dont je connais l’auteur et dont je connais la vie. Si Tolkien avait été un sadique complet, il y a de grandes chances pour que mon sujet de doctorat n’ai pas porté sur « la théorie de l’imagination chez J.R.R. Tolkien ! »

Sur cette question, la position de Klaas Hendrikse n’est-elle pas une forme de fidéisme athée ? Sans raisons, il faut croire que les textes bibliques rassemblent des possibilités de rencontre, d’expériences, et nous dirigent vers une rencontre de nous-mêmes et des autres, de l’amour, etc. Il faut croire. Et en somme, croire, c’est “croire en” sa propre expérience ; c’est croire fermement que mon expérience est ce qui doit ressortir de la lecture du texte. Problème de fidéisme athée donc, dans le sens où cette non-existence de Dieu laisse place à l’existence de mon expérience sans autre raison que la volonté de le croire.

Et pour soutenir cela, Hendrikse s’appuie parfois sur ce qu’il convient désormais d’appeler des clichés. Le « mythe » de Jésus, des miracles et des évangiles comme des récits mythiques parallèles aux récits gréco-romains ? Depuis les débuts des sciences comparées et les travaux initiateurs d’un Max Müller ou d’un Andrew Lang, la théologie en est vite arrivée à associer Jésus, Zeus, et autres dieux ! De plus, certaines des affirmations d’Hendrikse reflètent clairement un manque de rigueur intellectuelle, comme par exemple son rapprochement entre Horus,e le dieu égyptien, et Christvii. Quant à « dieu » comme étant premièrement une expérience ou le résultat d’une expérience ? Cela ne rappelle-t-il pas nombre de théologiens et philosophes, des plus connus, depuis Locke notamment (et sa conclusion que « dieu » est le résultat d’une réflexion tout à fait fictive que fait l’esprit sur ses propres opérations) jusqu’à la théologie moderne ? Que dire de l’explication du besoin pathologique de Dieu : nous en avons besoin et le mot « dieu » est un mot qui ne sert qu’à cacher nos peurs et nos doutes ? Là aussi … rien de nouveau sous le soleil. Quant à l’affirmation : « les gens ne peuvent plus croire de la même manière qu’il y a plusieurs siècles. L’Eglise donne des réponses moyenâgeuses à des questions de notre temps. Les gens ont changé mais pas l’Eglise. Même les pasteurs libéraux suggèrent toujours qu’il y a derrière, quelque part, quelqu’un appelé Dieu, alors les croyants se mettent à douter ! L’Eglise doit changer de message pour que les gens continuent à croire » … c’est un commentaire désormais classique !

En fin de compte, Hendrikse explique :

« Très peu de gens ont connu une expérience où Dieu a changé leur vie. Seuls ceux là peuvent croire qu’il existe. Pour moi, Dieu est un mot pour une image, pour une expérience humaine que vous vivez. Lorsque quelqu’un est bon avec vous, vous pouvez dire que c’est Dieu. Chacun a donc un Dieu différent et ne peut parler que de son Dieu. C’est ma vérité. »viii

À ce point dans son discours, il est difficile de voir en quoi « croire en un Dieu qui n’existe pas » est différent d’un humanisme athée ! Croire en soi, en l’amour, en l’humanité, voilà un humanisme athée qui n’est pas sans rappeler la foi de Klaas Hendrikse : « Croire, c’est avoir confiance, en vous-mêmes, en d’autres personnes, ou en la vie. »

Que dire alors du succès rencontré par les prédications du pasteur Hendrikse ? Elles attirent du monde. Les temples sont pleins. On se bouscule pour l’entendre parler. Car c’est bien de cela dont il s’agit : venir écouter quelqu’un parler de choses qui nous mettent à l’aise, entendre parler un pasteur qui ne nous remet pas fondamentalement en cause. Vrai : les gens le comprennent parce qu’il parle leur langage, parce qu’il se fait proche d’eux. Il parle d’une vie qu’eux-mêmes vivent.

Il y a cependant des choses appréciables dans la démarche de Klaas Hendrikse. Certains de ses constats, s’ils ne sont pas nouveaux, nous font prendre conscience d’un état de fait auquel l’église se doit de répondre. Et je ne parle pas de sa proposition qu’il faut changer le message parce que l’homme postmoderne ne peut plus y croire. L’homme a-t-il jamais trouvé naturel de croire en Dieu ? Peu probable. Mais lorsqu’il commente ironiquement dans l’interview ci-dessous : « Lorsque vous posez une question du XXIe siècle, vous obtenez une réponse du XVIe siècle ! », il y a bien quelque chose qui nous touche au plus près. Même si honnêtement il y a de nombreuses réponses du XVIe siècle qui ont encore à nous apprendre, je suis sensible à la question.

De plus, l’engagement d’Hendrikse à prendre au sérieux les questions et les doutes des gens qu’ils rencontrent, de ceux qui viennent à lui, est aussi à entendre. N’y a-t-il pas parfois une certain habitude dans le « discours chrétien » de répondre avant d’avoir entendu les questions ? Ne donnons-nous pas alors l’impression que les « choses » à croire sont plus importantes que de recevoir personnellement cette foi en Christ ?

Cette volonté de prendre au sérieux la vie de nos contemporains et se mettre à leur écoute est une nécessité. Cela demande-t-il cependant une transformation radicale du message proclamé ? La réponse de Klaas Hendrikse est claire, mais peut-être trop simple : il vaut mieux adapter le message. Mais peut-être, comme le dirait Voltaire, « le mieux est l’ennemi du bien »ix. L’argument qui veut que maintenant nous ne pouvons plus croire en ce Dieu considère trop rapidement qu’il a été un jour « facile » de croire en Dieu. Dans un temps pas si lointain où les hommes étaient crédules : cette foi était possible. Mais « maintenant » ce n’est plus le cas !

Ce serait oublier que croire n’a jamais été naturel, cela n’a jamais été facile. Croire n’a jamais été “acceptable” !  “Changer le message pour que les personnes continuent à croire,” voilà une position qui frôle l’irrationnel : si chacun construit sa vérité, il n’y a par définition pas de message, donc pas de changement à y apporter. De plus, s’il n’y a rien de précis à croire, pourquoi faire en sorte que les gens “continuent à croire” ?

Ainsi, l’impossibilité de croire en ce Dieu est fermement ancrée dans nos coeurs. Si effectivement la manière dont nous témoignons de cette Parole peut et doit s’adapter, son contenu demeure le même, une grâce qui transforme les coeurs.

Alors … venir écouter une prédication, un discours, parce qu’il conclue qu’il n’y a pas de réponses mais seulement des échanges d’expériences ? Un bon film n’est-il pas un aussi un récit d’expériences humaines … tout cela est bien plus attrayant que de croire en un Dieu souverain qui descend vers nous en Christ. Plus valorisant pour l’homme que de croire que seul si Dieu vient nous restaurer il y a une espérance. Et puis reconnaissons-le : nous n’aimons tout simplement pas l’idée d’un tel Dieu. Il est théologiquement plus sexy de dire « je suis pasteur athée » que de dire « je suis pasteur confessant », surtout dans un monde obnubilé et en adoration devant l’ « originalité » : pasteur athée ! Enfin quelqu’un qui ose dire ce qu’il pense. Enfin un théologien original !x

L’espérance, c’est les autres. Mais dans un monde aussi troublé que le notre, Sartre n’est-il pas, dans Huis clos, plus réaliste lorsqu’il affirme « l’enfer, c’est les autres » ? Soyons honnêtes avec nous-mêmes : si la seule espérance c’est l’expérience que nous faisons des, et avec les, autres, quelle espérance ? Si la seule espérance de mon voisin c’est sa rencontre avec moi, je lui souhaite bien du plaisir—et je lui promets, non pas l’espérance, mais des jours bien difficiles en perspective ! Klaas Hendriske respecte la position de ceux qui croient que Dieu existe. Nous lui devons la même chose, tout en montrant l’absence finale d’espérance si Dieu n’est pas un Dieu personnel qui vient à notre rencontre et oeuvre pour et en nous.

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Notes :

i Son livre date déjà, mais vient seulement d’être publié en français (sortie le 6 mai 2011),  Croire en un Dieu qui n’existe pas : Manifeste d’un pasteur athée, Genève : Labor et Fides, 2011, 232 p. Pour l’édition originale : Geloven in een God die niet bestaat. Manifest van een atheïstische dominee, druk 2007, 204 p. Nieuw Amsterdam.

iii Même en ce qui concerne la fameuse « analogie de l’être » Thomiste, il ne s’agit jamais d’une totale identité entre « existence » de Dieu et l’homme. Même pour Thomas d’Aquin, Dieu et la création existent de manière différente. Refuser de dire « Dieu existe » sous prétexte que cela sous-entendrait que Dieu existe de la même manière qu’une tarte aux pommes est un raisonnement similaire à celui d’un gâteau au chocolat critiquant une tarte aux pommes.

iv La partie « Dieu n’existe pas » est en ce sens asse décevante. Lorsqu’Hendrikse aborde notamment les textes de la Genèse ou de l’Exode, les problèmes herméneutique soulevés par sa présentation demanderaient un autre article de même longueur. La présentation d’Hendrikse dans les pages 56-70 présuppose un certain nombre de choses qu’il ne prend pas la peine d’expliquer !

v Dans Le mythe de Sisyphe, Camus définit ainsi l’homme absurde : « Celui qui sans le nier, ne fait rien pour l’éternel ». Albert CAMUS, Le mythe de Sisyphe, Paris, Gallimard, 1961, page 93. Certes, Hendrikse nie l’existence de Dieu, mais sans nier Dieu.

vi Il faut d’ailleurs noter que la position d’Hendrikse n’a sur ce point rien à envier aux plus simplistes fidéismes. Je crois … seulement et sans raison, que la Bible est un livre d’expériences authentiques desquelles je peux apprendre au sujet de mes propres rencontres.

vii Hendrikse, comme beaucoup de personnes obnubilées par les rapprochements possible entre Christ et d’autres divinités n’hésite pas à dénoncer le plagiat évangélique basé sur l’histoire d’un Horus qui lui aussi « était né d’une vierge, avait reçu la visite de mages d’Orient qui suivaient une étoile, avait changé de l’eau en vin, chassé des démons, été trahi pour trente deniers, était mort sur une croix, descendu aux enfers puis ressuscité le troisième jour, était monté au Ciel où il se tenait à la droite de Dieu, etc. » (p. 84) Ainsi présenté, cela amènerait la plupart des personnes censées à se demander si effectivement les récits évangéliques ne sont as du simple plagiat.

Seulement si, bien sûr, ce qu’Hendrikse rapporte reflète les données que nous possédons sur Horus. Et malheureusement ce n’est pas le cas. Pour ce qui est de « né d’une vierge », Horus est le fils d’Isis et d’Osiris et rien n’indique dans la mythologie égyptienne, qu’Isis était vierge lors de la naissance d’Horus. Pour le « mort sur une croix », là non plus, pas d’attestation de cette mort d’Horus ! Il est plus que probable qu’Hendrikse base ses conclusions sur un livre de Gerald Massey, Ancient Egypt, the Light of the World (Londres, Unwin ,1907), dont la rigueur académique a depuis été largement remise en cause. Il n’y a guère que les sites internet, souvent les plus farfelus (cf. Zeitgeist), pour prendre comme « preuve » cet ouvrage de Massey.

viii Interview « Rencontre avec Klaas Hendrikse » disponible sur YouTube.

ix VOLTAIRE, La Bégueule, conte moral,  1772.

x Exemple d’originalité de pensée : « Et l’homme fit Dieu à son image », qualifié de libre adaptation de Genèse 1.27 (p. 184). Sur ce point nous sommes d’accord. Et j’appuierais même les termes « libre » et « adaptation ». Ou, pour reprendre les crédits cinématographiques, « Fiction librement adaptée du livre de la Genèse. »