Tout le monde sait maintenant – en tout cas personne n’a plus de raison de l’ignorer – quelles actions sont commises au Brésil au nom de la FIFA. À ce point il est inutile d’en rajouter. Malheureusement.
æCela a conduit, avec raison, beaucoup à demander un boycott de la coupe du monde. Non, je ne regarderai pas la coupe du monde, par soutien avec ceux qui sont opprimés au nom du sport et pour la gloire des hommes. Je suis avec vous.
Mais je suis juste un peu mal à l’aise avec la sélectivité de ce boycott. Je m’étonne un peu. On dirait que certains découvrent en 2014 que le foot est une usine à idoles. Oups. Une “usine à fric” comme on dit. Peut-être parce que c’est, dans ce cas précis, la même chose.
Je m’étonne d’autant plus que le scénario de cette coupe du monde a commencé déjà en 2006 ! Oui, il y a déjà 8 ans ! Il y a huit ans, quatre ans avant la coupe du monde de 2010 tenue en Afrique du Sud, ce pays a été contraint de passer un certain nombre de lois pour la FIFA. Et bien sûr pour les partenaires de cette dernière.
L’un des exemples dont probablement tout le monde a entendu parler, ce sont les courts de justice dédiées à la FIFA. Euh, non bien sûr. Ce n’étaient que des tribunaux mis en place pour cet évènement de la FIFA. Enfin, la différence est minime. Il y a une centaine d’années, si une organisation étrangère voulait imposer ses lois dans un autre pays, on appelait ça une aggression et on se dirigeait droit vers un conflit diplomatique. En foot, on appelle cela protéger les intérêts de la FIFA.
C’est plus diplomatique.
et surtout plus inacceptable.
Alors je ne résiste pas à citer une autre clause de ces lois spéciales passées pour l’occasion, car cela vaut le détour :
Clause 3: Suspension of restrictions regarding marketing, distribution and consumption of liquor in respect of 2010 FIFA World Cup South Africa
The clause allowed for the suspension of the restriction on the marketing, distribution and consumption of alcohol at the 2010 FIFA World Cup. The Department of Trade and Industry had indicated to the Department of Sports and Recreation as well as the Portfolio Committee and Select Committee that, having reconsidered its guarantee, it would be able to make good on its guarantee without suspending its laws on the marketing, distribution and consumption of alcohol at events.
Bon du coup, cela signifiait en clair qu’une loi passée en réponse à un problème que certains qualifient d’épidémique a été suspendu par la FIFA, car en fin de compte, la RSA s’est retrouvée otage de cette organisation. Pour la petite histoire, le département sud-africain de la santé estimait à la même époque que de 17,5 million de personnes avaient de sérieux problèmes d’alcoolisme mettant leur vie en jeu. 17,5 million sur une population d’environ 50 million. Faites le calcul.
Et vous comprendrez que certaines lois sont faites pour protéger une population dont la FIFA n’a que faire. Bien sûr les autres rétorqueront que cette “nouvelle” loi avait pour but que les “visiteurs” puissent boire dans les stades. Mais il y avait d’autres conséquences. Celles dont on ne parle pas.
Tout ça pour dire que ce que nous voyons n’est pas nouveau. La même chose, dans des proportions moins frappantes (peut-être) s’est passée il y a 4 ans. Une fois encore, je suis surpris : la révolte, révulsion de certains, je la comprends. Mais je m’étonne qu’elle ne soit pas apparue avant.
Le foot fait scandale, c’est un fait.
L’argent détruit tout quand la FIFA l’utilise, c’est un fait.
Le problème plus profond, c’est certainement, comme beaucoup l’ont déjà dit (cf. cet article de Question suivante), que le foot est l’espoir de beaucoup de nos contemporains. Une religion mondiale. La religion des hommes rend esclave. La preuve :
- La religion demande un temple toujours plus grand, un temple dans lequel toutes les ressources financières et humaines vont passer.
- Elle demande un dévouement irrationnel. Alors là, je passe sur les exemples footbalistiques… sans commentaires.
- Elle demande un exclusivisme intégriste et intégral. du coup la FIFA est seul maître à bord. Ni dieux ni maîtres…
- Elle demande des sacrifices humains : les plus pauvres, les plus jeunes, ceux dont on peu facilement se passer. Le foot est une religion, et c’est ainsi depuis longtemps. Et quand je parle de sacrifices humains, je suis très littéraliste.
Oui, c’est clair, cette coupe du monde a dépassé toutes les limites.
Mais il faut être plus radical. On ne peut pas être sélectif. On ne peut pas s’opposer à l’injustice si on la quantifie. Ce n’est pas parce que les exactions de cette coupe du monde dépassent de loin ce qui s’est passé auparavant qu’il faut la boycotter. C’est parce que c’est ainsi que marche le foot dans notre société (ce n’est malheureusement pas du qu’à la FIFA !). Si nous boycottons la coupe du monde ce n’est pas à cause du nombre d’injustices… mais parce qu’il y a une injustice.
Ce n’est pas la coupe du monde qui est en question. C’est ce sport.
Et au-delà de ce sport, ce qui est en cause, c’est nous. C’est vous. C’est moi.
Regardez : même lorsque nous nous indignons, nous ne pouvons pas le faire avec cohérence. Nous n’arrivons pas à aller jusqu’au bout.
Pour ceux qui partagent la même foi, celle du Christ libérateur, peut-être qu’il faut alors être plus radical dans notre indignation, plus exigeant dans notre volonté de justice, plus prophétique dans notre proclamation. Sinon nos contemporains resteront esclaves d’un sport qui demandera tout leur être, s’il ne leur coûtera pas la vie.
Je ne regarderai pas de foot.