Heavy Rain (2/2)
Heavy Rain (2/2)

Heavy Rain (2/2)

par L. Jauvert.

Ceci est la 2e partie de l’article consacré consacré au jeu Heavy Rain. Vous pouvez lire la 1e partie ici.

L’article suivant contient des éléments révélant l’intrigue du jeu.

La narration Heavy Rain

Le jeu se présente comme un jeu d’aventure aux thèmes matures et à l’ambiance sombre, à la manière d’un « Thriller psychologique interactif ». Il repose sur l’histoire de quatre personnages qui enquêtent sur un tueur en série, surnommé le « tueur aux origamis », dont les victimes, de jeunes garçons, sont retrouvées mortes, quatre jours après leur enlèvement, noyées dans de l’eau de pluie. Le thème central du jeu tourne autour de la question « Jusqu’où seriez-vous prêt à aller par amour ? »

Ethan Mars, le protagoniste principal, est un architecte accompli, marié et père de deux enfants. Mais un drame vient frapper la famille. La mort du fils aîné d’Ethan l’entraîne dans une forte dépression, une incapacité à se concentrer et la séparation d’avec son épouse. Et comme si cela ne suffisait pas, Shaun, le second fils d’Ethan disparaît apparemment victime du « tueur aux origamis ». Nous aurons aussi la possibilité d’incarner un détective privé engagé par les parents des précédentes victimes, un agent du FBI et une journaliste. Chacun à sa manière est à la recherche du tueur. Le jeu se découpe en scènes ou chapitres, un peu à la manière d’un film et non pas en niveau tel qu’il est l’usage dans un jeu vidéo « classique ».

Pour compléter notre avis sur le jeu, nous avons demandé à un étudiant de la Faculté Jean Calvin, de s’essayer aux 2 premières scènes du jeu. Cet étudiant n’est pas un adepte régulier des jeux vidéo et s’en montre plutôt méfiant, mais avoue avoir eu du plaisir à jouer les scènes plus « détendues » que sont l’anniversaire et le centre commercial.

Scène didactique : Ethan se lève seul dans sa maison et vaque à ses occupations. Pour l’instant nous ignorons tout de l’histoire et faisons connaissance avec notre environnement puis avec « notre famille ». Les premiers choix arrivent. Allons-nous mettre la table ou nous réfugier dans notre bureau ? En jouant dehors avec les enfants, qui allons-nous mettre sur nos épaules en premier : l’aîné dont c’est l’anniversaire ou le cadet ? Vais-je le laisser gagner lors d’un duel à l’épée ou être impitoyable ? L’étudiant pour sa part est confus lorsque « sa femme » lui demande de l’aide pour ranger les courses. Bien sûr il souhaite l’aider mais sa maîtrise partielle des commandes ne lui permet pas d’agir dans les délais imposés, et lors de la dernière tentative il s’applique d’autant plus à exécuter les commandes. Sous ces aspects triviaux se cache toute la dynamique du jeu :ne jamais savoir ce qui est important ou non. Nous nous savons dans un jeu et nous estimons qu’il y a forcement des conséquences à ce que nous faisons mais elles sont loin d’être évidentes.

La seconde partie de la scène nous conduit dans un centre commercial. Ethan est chargé de surveiller son fils aîné. Tandis que nous lui offrons un ballon (ce que l’étudiant regrette car lui n’aurait pas cédé aux demandes de son fils) ; il disparaît dans la foule. Nous reprenons la main sur Ethan et devons lui faire parcourir le centre commercial à sa recherche. Il faut alors fendre la foule, guidé par le ballon rouge flottant dans l’air que nous venons de lui offrir. Tous nos efforts sont vains car notre fils est percuté par une voiture à la sortie des magasins et meurt. Les émotions du joueur sont confuses. D’une part nous éprouvons de la tristesse pour ce qui vient de se passer et nous nous sentons un peu coupable, en même temps un regard éclairé sur le passé nous rappelle que nous n’étions pas maître de ce qui c’est passé.

Retour à la maison : Il s’agit de la seconde scène du jeu et c’est celle que David Cage faisait tester aux journalistes avant la sortie officielle. Nous devons récupérer notre fils à l’école puis nous occuper de lui. Là encore les choix sont nombreux, nous pouvons le laisser regarder la télévision ou insister pour qu’il fasse ses devoirs. Préparer un repas ou juste réchauffer une pizza au micro-onde, lui parler ou le laisser seul dans son coin. Ici encore David Cage maîtrise la tension : l’environnement sombre nous inquiète et nous sommes aussi prudents que possible. Notre « cobaye » témoigne de ses peurs dès que le garçon n’est plus dans le champ de vision alors qu’au final il ne se passe rien et qu’aucun de ses actes n’a d’influence sur le reste du jeu ! Les codes ordinaires du jeu sont ici cassés et notre implication dans la vie virtuelle des personnages ne sert qu’à induire en nous des sentiments d’affection pour les personnages et comprendre le rôle de père. L’étudiant aime que son personnage soit honnête, à l’image de sa propre personnalité, et souhaite en prendre le plus grand soin possible. Ceci démontrant la capacité d’attachement que nous pouvons avoir envers des personnages virtuels en quelques minutes de jeu. Le reste du jeu nécessite une dizaine d’heures pour être terminé. Les situations imaginées par les scénaristes sont riche en émotion.

En réalité, lorsque nous parvenons au bout, nous n’assistons qu’à une fin parmi une dizaine possible en fonction du nombre de survivants et des découvertes autours de l’enquête. Les statistiques montrent que 74% des joueurs ont fini le jeu au moins une fois. Ce nombre est bien plus important que les autres jeux sur le marché. 65% ont sauvé l’enfant et 33% ont gardé tous les personnages vivants. Ces deux derniers chiffres doivent être interprété car il s’agit de résultats et non pas d’intention. Les erreurs de manipulations peuvent conduire à la mort d’un personnage, nous avons mêmes la possibilité de pendre un poison en échange d’une information pour localiser l’enfant. 33% est donc un chiffre haut compte tenu des nombreuses situations périlleuses. Seulement 4% des joueurs ont rejoué suffisamment pour assister à toutes les fins possibles.

Conclusion

L’univers des jeux vidéo est aussi vaste que l’imagination. Et dans cet univers nous trouvons de nombreux jeux sans intérêt mais parfois des « perles ». Ces jeux sont capable de nous transporter dans un monde virtuel que nous considérons comme le notre le temps d’une partie. Si les principales accusations qui sont faites aux jeux-vidéos sont trop grossières, nous avons aussi démontré que l’utilisation des jeux vidéo ne se fait pas de manière neutre. En nous impliquant dans une narration, nous mettons beaucoup de nous même dans l’avatar mais nous en retirons beaucoup en retour. Ainsi, la manière la plus appropriée de vivre sereinement l’expérience est de considérer les jeux-vidéos comme un art, en nous rappelant trois choses :

  • Premièrement, l’art s’apprend. Nous pouvons tous reconnaître, de manière quasi innée, la beauté d’une symphonie ou d’une aquarelle.
  • Deuxièmement, l’art se critique. Tout n’est pas pour tout le monde. Et parfois la valeur intrinsèque d’une œuvre prête à discutions. Voila pourquoi le ministère de Gamechurch est intéressant car ils joignent à leur témoignage de foi un témoignage de « gamer ».
  • Enfin, l’art nous permet de rendre gloire à Dieu. Et cela est le but ultime de notre vie. Si nous trouvons les jeux vidéo complètement déconnecté des questions de foi c’est aussi parce que l’église n’a pas de présence dans ce domaine.

Lionel Jauvert est pasteur à l’Église protestante réformée évangélique de Saint-Quentin en Yvelines.