Quelque chose a changé. Quelque chose de profond, de radical, comme une lame de fond qui aurait recouvert l’horizon. On l’a vaguement senti venir, sans vraiment savoir de quoi il s’agissait, mais avec Fallout 4, le doute n’est plus permis. La guerre… la guerre a changé.
PRÉSENTATION
Pour ceux qui ne la connaissent pas, Fallout – littéralement « retombées » (radioactives, en l’occurrence) – est une série de jeu vidéo qui propose une histoire alternative du monde. Dans un avenir qui correspond à l’utopie futuriste américaine des années 50, une crise énergétique entraîne des conflits internationaux, jusqu’à l’anéantissement de la civilisation par des frappes nucléaires généralisées. Quelques chanceux parviennent à se réfugier dans des abris antinucléaires, tandis qu’en surface les rares survivants, humains comme animaux, subissent les conséquences des radiations et tentent de survivre dans un monde dévasté.
L’enjeu des épisodes de cette série, c’est une lutte constante pour préserver et rétablir la civilisation, qu’il s’agisse de garantir la pérennité des abris ou de trouver des technologies pour booster le nouveau départ de l’humanité.
LE TOURNANT TECHNICOLOR
Dans ses 4 premiers opus (Fallout, Fallout 2, Fallout Tactics, Fallout 3), l’aspect graphique du jeu demeurait – à quelques exceptions près – dans des tons gris terne et brun poussiéreux. Après l’utopie futuriste des années 50, le monde est une dystopie morne et sombre.
Par contraste, à partir de Fallout : New Vegas, et plus particulièrement dans le très récent Fallout 4, on assiste à un véritable printemps des peintres. Ciel bleu, teintes pastel, jeux d’ombre et de lumière : l’univers post-apocalyptique ré-enchante son esthétique.
Dans le gigantesque espace explorable de Fallout 4, on se prend à contempler avec un certain émerveillement le monde autour de nous, qu’il s’agisse d’une ruelle sombre, d’une épave de tracteur, d’un bâtiment citadin rouillé ou d’une zone industrielle. On aurait presque envie d’y vivre…
D’autres aspects notables ont évolué : par exemple la bande originale, au fur et à mesure des trailers (juin, octobre et novembre 2015), ainsi que l’apparition du mode « bac à sable », qui contraste nettement avec l’image de marque traditionnelle du joueur « vagabond », et des mods pour personaliser son jeu. De plus, Fallout 4 est le premier opus à inclure un épisode de jeu à l’époque pré-apocalyptique, qui malgré ses tons pastels semble un peu lisse et ennuyeux.
POURQUOI CE CHANGEMENT ?
Revenons à Fallout 3 et les précédents. L’avenir, spécifiquement l’Apocalypse, y est envisagée comme une dystopie : un monde oppressif, menaçant, inhospitalier. Cette vision tranche nettement avec l’idée traditionnelle, et pour tout dire religieuse, de l’Apocalypse. Ce mot nous évoque des cataclysmes sans nom, mais à l’origine il signifie « dévoilement », ou « révélation », et fait surtout référence à une fin de l’Histoire par un jugement divin et une restauration du paradis perdu. Au 20e siècle, au lieu de son sens original d’âge d’or, l’Apocalypse est envisagée comme un âge sombre.
Cette subversion de l’attente apocalyptique est très visible dans la série Fallout, mais on le retrouve dans de nombreux jeux vidéos depuis une trentaine d’années au moins (Wasteland, Metro, S.T.A.L.K.E.R, etc.), et dont la référence commune la plus notable est probablement la série de film Mad Max.
Surtout, n’oublions pas la sentence : l’homme est responsable de cette apocalypse – qu’il s’agisse d’une guerre nucléaire généralisée, du réchauffement planétaire, ou d’un virus créé par l’homme. Dès lors, l’apparition d’une beauté chatoyante, d’une musique entrainante et de cieux plus cléments nous indique clairement un retour à une forme d’utopie. L’Apocalypse, en tant que transition brutale et catastrophique, est intériorisée. Elle est même considérée inévitable, mais ce ne sera pas la « fin du monde », simplement « la fin du monde tel qu’on le connaît » – et ce n’est pas plus mal.
Les ruines de notre civilisation ne sont donc plus un enfer mais un paradis retrouvé, et on remarquera que cette attente évoque un idéal qui ressemble beaucoup à un nouveau Far West, une nouvelle colonisation, un nouveau monde à découvrir et à maîtriser. Il apparaît évident que la principale activité de l’humanité dans cette nouvelle réalité n’est plus la survie, mais la conquête, et à plus d’un sens.
DE L’ENFER AU PARADIS
Dans le monde infernal des épisodes précédents, la survie était une guerre sans fin, comme l’établit d’ailleurs la devise de la série : « La guerre… la guerre ne change jamais« . Pourtant on perçoit l’aube dans Fallout : New Vegas, et le lever d’un jour nouveau avec Fallout 4. Le joueur peut faire de l’artisanat, construire sa maison, fonder son campement, se promener dans la campagne et dans les ruines tranquilles, ou juste contempler le ciel… Il semblerait que, finalement, la guerre ait bel et bien changé. Il ne s’agit plus de survivre en maudit, dans l’obscurité, mais de vivre et de prospérer dans la lumière.
Il s’agit ni plus ni moins d’une véritable rédemption de toute l’univers de Fallout
Il s’agit ni plus ni moins d’une véritable rédemption de toute l’univers de Fallout, qui rétablit un équilibre bien plus sain. Certes, l’homme est responsable de son mauvais sort, mais il existe tout de même un espoir. Ce que la série ne précise pas, c’est pourquoi ou comment ce changement est arrivé. Les joueurs, certainement très satisfaits de retrouver une perspective pleine d’espoir, acceptent cette révolution sans broncher, mais il n’en reste pas moins qu’elle s’opère de façon quasiment magique, probablement parce qu’elle est en contradiction directe avec l’esprit même du jeu.
Soyons clairs : je ne critique pas ce changement, il est tout-à-fait positif et je m’en réjouis. Je souligne toutefois l’incohérence de la trajectoire choisie par les concepteurs compte tenu de la vision du monde de la série. Or c’est une vision très répandue : l’humanité est de toute importance, la science la rendra toute-puissante, mais on se rend vite compte que l’humanité a une faiblesse de caractère qui ne peut que lui être fatale. Pourtant, le monde perdure, et on se l’explique difficilement. Pire encore, malgré le mal dont nous nous montrons volontiers capables, nous aspirons à créer, à conquérir, à maîtriser, à communier et à contempler.
RETOUR A LA REALITE
Tous ces aspects nous renvoient à notre nature, à la fois noble et avilie, innocente et coupable, belle et amochée. Rien ne peut nous permettre de le comprendre, il n’y a aucune explication raisonnable, si ce n’est que nous sommes en décalage – comme Fallout 4. Il nous manque quelque chose pour que tout cela ait un sens.
En termes vidéo-ludiques, il nous manque un concepteur pour nous transformer, pour rectifier notre trajectoire, comme par magie. Il nous manque une quête principale pour remplir les ruines de sens et d’avenir, il nous manque un compagnon, un allié pour nous aider et nous défendre le long du chemin.
En termes chrétiens, il nous manque Jésus. Parce qu’il est Dieu, il peut nous transformer de l’intérieur et nous redonner une mission. Parce qu’il est humain, il peut nous montrer la voie et nous accompagner. Être chrétien, c’est accepter l’alliance que nous propose Jésus, et quand on le fait, c’est comme si les couleurs revenaient… il s’agit ni plus ni moins d’une rédemption de tout notre univers.