Irrationnel, transcendant, infini suite se déroulant sur un bloc de papier irréel. C’est le nombre Pi, le fameux 3,14 etc. Irrationnel, transcendant, et célébré le 14 mars : le jour de π. Chiffre fascinant pour qui essaie de visualiser concrètement ce que ce chiffre représente : une suite infinie. Enfin… nous ne savons pas. Pas vraiment. Certains supposent bien que ce chiffre ne s’arrête pas. D’autres, que nous n’en avons simplement pas découvert la fin.
Il paraît que les mathématiciens, ceux qui ont fait de l’exploration des chiffres le domaine particulier de leur géographie, sont pour le moment arrivés à calculer 31 trillions de chiffres… 31 trillions ! Cela ne vous dit rien ? C’est normal. Arrivés à ce stade, nous ne pouvons pas conceptualiser concrètement ce chiffre. Quelques chiffres, certainement. Quelques centaines, avec un petit effort. Peut-être même quelques millions si nous comparons ce chiffre à la population d’un pays : 67 millions, la France. Mais au-delà, tout devient purement abstrait. Nous concevons que ce chiffre puisse être aussi long… mais aussi long que l’infini ?
Essayons autrement. Imaginez le code le plus basique : A=1, B=2, C=3 etc. Le chiffre correspondant à disons, le Seigneur des anneaux, se trouvera quelque part dans la suite infinie de Pi. Codez même les signes de ponctuation, et vous vous pourrez de nouveau avoir l’ensemble de la poésie de Victor Hugo, ainsi que celle de Shakespeare, là, dans la succession de Pi. Ma date de naissance est quelque part là-dedans… statistique peut-être, mais une statistique de 100%.
J’ai peut-être une vue un peu mystique de Pi, un chiffre qui frôle pour certains la qualité du divin : insaisissable, incompréhensible dans sa splendeur, reflet d’une harmonie transcendante de la création. Il faut dire que π revient sans cesse. Certains géographes pensent même que la longueur réelle d’une rivière ou d’un fleuve divisée par sa longueur “en ligne droite” égale toujours π.. ce qui est apparemment un peu plus compliqué que cela. Mais π ne disparaît pas pour autant.
Pi pourrait même être la clé herméneutique de la création… si nous arrivions un jour à en voir la fin. Cercle incluant l’ensemble de la création ouvert sur les bras du créateur. Rapport de la circonférence de tout existant au diamètre de la présence de la main créatrice… chiffre de Dieu ? Plutôt indicateur de la marque divine imprimée dans toute la création, présence mystérieuse mais palpable d’un “je-ne-sais-quoi” que nous pouvons mesurer au sentiment d’émerveillement qu’il éveille en nous, ou qu’il devrait éveiller.
Chiffre mathématique parmi les plus fascinants, chiffre qui décrit aussi mon admiration du monde créé par Dieu lorsque je regarde depuis mon balcon les arbres et les collines façonnés par le grand Artiste. Chiffre esthétique qui frappe l’œil de la composition photographique. Chiffre naturel qui parcourt la terre et marque, ici- et là, de 3, de 1 et de 4, jusqu’à l’infini, plantes, corps, astres, et même notre histoire.
Célébrer le jour de Pi, c’est témoigner de cette profonde marque que le créateur personnel et transcendant, a laissé dans le monde !
Et puisque le chiffre Pi n’est pas que des maths, mais touche à toute l’expression humaine, terminons avec la poétesse Wisława Szymborska, prix Nobel de littérature (1996), qui a écrit une ode au chiffre Pi :
The admirable number pi:
three point one four one.
All the following digits are also initial,
five nine two because it never ends.
It can’t be comprehended six five three five at a glance,
eight nine by calculation,
seven nine or imagination,
not even three two three eight by wit, that is, by comparison
four six to anything else
two six four three in the world.
The longest snake on earth calls it quits at about forty feet.
Likewise, snakes of myth and legend, though they may hold out a bit longer.
The pageant of digits comprising the number pi
doesn’t stop at the page’s edge.
It goes on across the table, through the air,
over a wall, a leaf, a bird’s nest, clouds, straight into the sky,
through all the bottomless, bloated heavens.
Oh how brief — a mouse tail, a pigtail — is the tail of a comet!
How feeble the star’s ray, bent by bumping up against space!
While here we have two three fifteen three hundred nineteen
my phone number your shirt size the year
nineteen hundred and seventy-three the sixth floor
the number of inhabitants sixty-five cents
hip measurement two fingers a charade, a code,
in which we find hail to thee, blithe spirit, bird thou never wert
alongside ladies and gentlemen, no cause for alarm,
as well as heaven and earth shall pass away,
but not the number pi, oh no, nothing doing,
it keeps right on with its rather remarkable five,
its uncommonly fine eight,
its far from final seven,
nudging, always nudging a sluggish eternity
to continue.