– par J-R. Moret
J’avais vu Django, le film de Quentin Tarantino, lors de sa sortie. Personnages hauts en couleurs. Humour décalé. Suspens.
Un massacre si plaisant
Je ne vous donnerai pas la trame du film, c’est inutile pour ceux qui l’ont vu et cela gâcherait le plaisir des autres. Mais ce que plusieurs de mes amis ont jugé perturbant dans ce film, c’est qu’on se retrouve heureux de voir le héros tuer voire massacrer ses ennemis. Pourquoi ? Parce que d’une manière générale, ils sont ignobles. Tous participent de près ou de loin au système de l’esclavage, ils se montrent cruels, prennent plaisir à la souffrance des autres, traitent les noirs comme des animaux, et arrivent encore à jouer les fiers et les cyniques. Django est presque une incarnation de la vengeance, et face à tant d’horreurs, on se dit qu’ils l’ont bien mérité. Il y a en nous un sens de l’indignation et de la justice qui nous fait sympathiser avec la colère de Django. Tarantino donne ici à un de ceux que l’on voit comme faible, opprimé et victime l’occasion d’être celui que l’on craint, qui use de la violence et de la terreur. On retrouve la même dynamique que dans Inglourious Basterds, où un commando de Juifs tue et mutile des nazis et autres soldats allemands. Le retournement a quelque chose de jouissif, comme si enfin la balance retrouvait son équilibre. Est-ce cependant la solution ?
Meilleur ou pire ?
Le monde de Django devient-il meilleur ? Django lui-même, vaut-il finalement mieux que ce qu’il combat ? Pour arriver à ses fin, il va empêcher le sauvetage d’un esclave en fuite, tirer sur des hommes et une une femme désarmée, duper, mentir, massacrer. Imaginons que l’on laisse à des Djangos la tâche de régler les problèmes d’injustice du monde, celui-ci ne serait bientôt plus qu’une bouillie de chair et de sang.
Mais alors que faire ? Passer l’éponge ? Dire que toutes les atrocités du monde comptent pour rien ? Décréter le pardon et laisser les esclavagistes d’hier et d’aujourd’hui continuer leur œuvre ? Notre conscience s’y refuse, une indulgence qui ne servirait qu’à laisser les puissants continuer à maltraiter les faibles n’a rien de satisfaisant.
Deux exemples
Peut-être deux exemples historiques valent-ils mieux qu’un long discours. En Afrique du Sud, durant l’Apartheid, il s’est trouvé des groupes armés noirs pour pratiquer des attentats et des exécutions sommaires envers les blancs qui détenaient le pouvoir. Mais ceux là n’ont pas amené de solution. Il a fallu le travail pacifique de Nelson Mandela et le changement de politique du gouvernement blanc pour démanteler le système oppressif. D’autre part, la commission « vérité et réconciliation« , patronnée par l’archevêque Desmond Tutu, a permis de mettre en lumière ce qui avait été commis par les deux camps, et permettre un pardon pour le passé, un pardon nécessaire pour que l’avenir soit meilleur.
L’autre exemple est celui de John Newton, l’auteur du célèbre chant « Amazing Grace« . Pendant une période, Newton a travaillé sur des navires servant au trafic des esclaves, en a été capitaine et a même investi dans des compagnies le pratiquant. Venu à une foi chrétienne engagée au début de cette période, il devint ensuite prêtre dans l’église d’Angleterre. Dans la dernière partie de sa vie, à partir de 1788, il prend position pour l’abolition de l’esclavage, notamment en décrivant les conditions du commerce en question. Il regretta amèrement d’avoir continué à participer à ce commerce plusieurs années après être devenu chrétien engagé. Il devint néanmoins une des influences importantes pour mettre un terme au système auquel il a autrefois participé, ce qui arrive peu avant sa mort en 1807. Telle est la manière dont Dieu traite un esclavagiste.
Le don de la repentance
Et c’est cela, le don que Dieu fait à ceux qui veulent bien le recevoir : le don de la repentance, le don de pouvoir changer, sortir des rôles et des attitudes qui font de nous les bourreaux de nos frères en humanité, et recevoir un pardon qui permettre de continuer à vivre, en cherchant le meilleur. Et c’est aussi le don du pardon, de pouvoir pardonner, de pouvoir vivre sans être animé par la vengeance, par le besoin de faire payer à tout prix ceux qui nous ont causé du tort.
Quant à la justice, à la notion qu’un équilibre doit être rétabli, cela Dieu l’a fait en Jésus-Christ. En Jésus, Dieu, le puissant parmi les puissants est devenu faible parmi les faibles, condamné injustement, n’ouvrant pas la bouche pour sa défense, humilié, méprisé, moqué. Et en Jésus-Christ, Dieu le seul juste a subi la punition des injustes, fouetté, couronné d’épines, frappé, marchant de force, des clous planté dans les pieds et les mains, suspendu sur une croix, étouffant sous son propre poids avec comme seule ressource pour respirer de s’appuyer sur ses pieds broyés. Jésus est mort pour toutes les horreurs des Big Daddy, des Candie, des marchands d’esclaves, et des Djangos, pour que nous ne soyons pas forcés d’être à toujours des vengeurs ou des coupables.
Jean-René Moret est doctorant en théologie, responsable web pour les GBEU et responsable du site site Question Suivante.
Cet article est repris du site Question Suivante.