Tom McRae, ce n’est pas un nom connu, et c’est regrettable. Lors de ses débuts en 2000, le magazine Time Out parlait de lui comme d’un “auteur-compositeur exceptionnellement perspicace” … et poétique. La France parlait de lui aussi. La France, qui a toujours était l”une des grandes fan base du chanteur britannique. Lors de la sortie de son premier album (qui sera disque d’or en France !), sa tournée française lui valu une loyauté grandissante de ce côté de la Manche. Lors des Transmusicales de Rennes, en 2000, il découvrit la chanson française et sa scène musicale. De là allait naître un attachement indéniable à la France, et à certains artistes avec qui il forgera des liens durables. Certains, comme Keren Ann, apparaissent sur le dernier album de Tom McRae, Étrange hiver, sorti en début année.
Étrange hiver, c’est un album unique. C’est un album d’un mélancolique qui ne peut que se découvrir en l’écoutant. Étrange hiver, c’est aussi une ode de reconnaissance à l’accueil que la France lui a faite. Un dixième album en forme d’anniversaire et de célébration avec des duo. Rectificatif ; que des duos. Car Étrange hiver, c’est aussi cela : un album unique que McRae voulait être une collaboration avec des artists français. C’est ce qu’il a fait : onze pistes, onze artistes français. À retenir en particulier “Ginkgo” (avec Chien noir) et “Étrange hiver” (avec Alex Beaupain)… et un Tom McRae qui n’hésite pas à chanter en français, et qui est loin d’être ridicule dans ce redoutable exercice.
Étrange hiver, c’est enfin un album où l’amour prend la place principale. Toute la place. Étrange hiver, c’est l’amour d’une séparation, d’un amour qui peut se faire obsédant, sortant et rentrant dans la vie des amants, le temps d’un cycle :
here we go that old refrain I run to you, you run away
“Lover’s souvenir” avec Rose
I recall how it made you laugh to break things from the start the rules your word my heart
L’amour cette chose que nous passons toute une vie à tenter de comprendre, à vivre, à exprimer, et à nourrir. Voilà un amour qui va et revient, un amour qui malgré toutes ses obscurités est accueilli lorsque la même porte s’ouvre à nouveau :
I’ve finally figure out this is my fault this is my curse
“Lover’s souvenir” avec Rose
to re-live every chapter every verse I guess it could be worse
I’d would live it all again the sweetest kiss the bitter end
Hey there, welcome back.
L’amour, Tom McRae a raison de le chanter, l’amour est un mystère et c’est le majestueux “Ginkgo” qui le poétise le mieux dans le tissage des voix de McRae et de Chien noir :
L’amour qui s’en va s’en va t’il vraiment ?
“Ginkgo” avec Chien noir
C’est tout et c’est rien
C’est tout, les enfants, ce n’est rien
L’amour attendra là devant
Au pied de l’arbre et bien vivant
L’amour est un mystère. L’amour est là, présent. Il est ce qui ne peut se dire, il est ce qu’il fait vivre. Il est ce qui semble n’être rien. L’amour est là, il fait vivre. L’amour est là, tel un mystère. L’apôtre Paul serait bien d’accord. Pas au sens où il le demeurera pour notre McRae dont l’athéisme ne peut que tracer des limites inconnues à l’amour. Athée ? McRae ne l’a jamais caché, bien qu’il n’en fasse pas la propagande vocale. Dès son “I ain’t scared of lightning”, qui vient clore son premier album, il ne fait aucun doute que l’homme est seul face au monde, dans le monde, face à un destin qu’il se créer et assumer :
I ain’t scared of lightning
“I Ain’t Scared of Lightning” de l’album “Tom McRae”
Come on and do your worst
If they gave degrees
For cheating destiny
Then man
I got a first
No I ain’t scared of lightning
It’s the same old empty threat
I’ve been standing proud
Beneath the gathering cloud
And man
I ain’t dead yet
No I ain’t scared of lightning
And thunder never killed
I was born in a summer storm
I live there still
Yeah I was born in a summer storm
I live there still
McRae ne crains pas l’univers et se contente de continuer à écrire, à jouer, à aimer, que l’univers le lui rende bien ou pas. Il n’y a donc rien, rien de plus que l’homme dans ce monde de douleur et d’amour… de peine et de mélancolie qui se porte comme un manteau d’hiver :
Et j’ai vu les flocons, et leur blanc manteau
“Étrange hiver” avec Alex Beaupain
Ce tapis de coton m’a rongé le cerveau
Solstice et équinoxe, météo, paradoxe
Le temps qu’il fera tant qu’il faudra… me passer de toi
Amour. Humanité. Et comme l’homme a des limites que lui-même ne comprend pas, son amour le dépasse, le submerge, le noie, et le ressuscite. L’amour tue et fait vivre, sans que nous ne puissions parfois en reconnaître les frontières. L’amour glisse entre nos doigts ouvert pour recevoir une goutte de cet élixir que beaucoup ont cherché.
C’est pourtant l’amour divin, seulement l’amour divin, qui peut tracer pour nous les frontières de notre amour. Nous échappant, il faut que l’amour nous soit montré. Pas expliqué, montré. Car c’est ce qui marche le mieux avec notre compréhension limitée. Nous ne comprenons pas d’abord ce qui est expliqué, mais ce qui est rendu visible et ce qui est vécu.
Dieu vient donc montrer ce qu’est l’amour. Il vient rendre concret un amour qui est bienveillant, patient, un amour qui pardonne une fois, deux fois, sept fois… et qui pardonne encore. Un amour qui est fidèle même quand l’autre est infidèle, un amour qui recherche le bien même après qu’il ait été trahit. Un amour qui désire être connu dans se cacher par crainte ou orgueil. Voilà l’amour divin qui transparaît à travers les pages de l’Ancien Testament.
L’amour de Dieu n’était cependant pas suffisant, et il désira, oui il aima vouloir venir vivre l’amour humain pour nous. Avec nous. Parmi nous. Dieu vient se faire homme. Jésus est venu montrer à nos yeux, témoigner à nos oreilles, ce qu’est l’amour. Il est venu le rendre visible afin que nous ne soyons plus submergés par son obsession ou son désir. Il est venu montrer que, dans les mots de l’apôtre Paul :
L’amour est patient, l’amour est serviable, il n’est pas envieux ; l’amour ne se vante pas, il ne s’enfle pas d’orgueil, il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il ne médite pas le mal, il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il se réjouit de la vérité ;
1 Corinthiens 13.4-8
il pardonne tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout.
L’amour ne succombe jamais.
Malgré toute la beauté, l’envoûtante mélancolie de cet Étrange hiver, il ne peut voiler l’obscure réalité d’un hiver éternel. Tom McRae est, comme tous les êtres humains, enserré dans les bras d’un amour qui ne peut dire son nom parce qu’il demeure inconnu tant qu’il n’a pas été saisit par l’amour du Christ. Le dernier album de McRae nous dit ce qu’est l’amour humain, l’amour sans Dieu, dans toute sa beauté, sa mélancolie mais aussi, sa nature destructrice.
Voilà l’amour humain que Dieu veut transformer d’un hiver étrange en un printemps glorieux.